La guerre civile qui ravagea le Liban entre 1975 et 1990 a profondément marqué le pays. Les survivants, blessés ou déplacés, mais aussi les jeunes générations, celles qui n’ont pas connu le cataclysme, en subissent encore les conséquences.
Pour les lycéens libanais, l’histoire du pays s’arrête ainsi à l’indépendance de 1943. Tous les évènements marquants qui ont suivi, dont la guerre civile, ont été occultés par les différents ministères de l’Éducation. Les autorités craignant que l’étude de cette période ravivent les haines passées, et menace l’équilibre communautaire encore bien fragile au pays du Cèdre.
Diverses tentatives ont bien eu lieu, mais toutes ont échouées. Au final, le dossier a été classé. Depuis 17 ans, l’histoire contemporaine du pays n’est plus enseignée au Liban, laissant les enfants dans l’ignorance.
Le Centre de Recherches et de Développement Pédagogique (CRDP), organisme d’État, n’entend pourtant pas baisser les bras. C’est pour cette raison, qu’il a soutenu et participé au Congrès pédagogique organisé par l’Institut de la citoyenneté, en octobre dernier à Beyrouth, pour débattre du problème.
Réunis autour du ministre de l’Éducation nationale, Marwan Hamadé, universitaires, parlementaires, pédagogues, historiens, anciens miliciens, responsables associatifs, de toutes confessions, ainsi que des représentants de l’Ambassade de Grande-Bretagne, ont d’abord constaté l’état du chantier. Au Liban, l’histoire est devenue une matière annexe dont les notes ne sont pas prises en compte dans les carnets scolaires. Les enseignants manquent de formations, de compétences. Plus dangereux : les rares heures de cours sont souvent dispensées par des « idéologues » qui font passer leurs convictions avant l’objectivité des faits. Bien peu d’élèves se sentent réellement concernés.
Privé d’histoire, comment tirer les leçons de ces quinze années de conflit, pour sortir du système communautaire qui pourrit le quotidien des Libanais ?
Dans la seconde partie de la réunion, les intervenants ont proposé des solutions : unification des programmes et des manuels, valorisation de témoignages de paix, refus des idéologies, analyses respectueuses de certains épisodes marquants, formation à la critique positive. Des témoins Nord-Irlandais sont venus parlés des méthodes qui ont mis fin en 1998 à un conflit de plus de 30 entre catholiques et protestant dans leur pays.
Le mot de la fin est revenu à la Fondation Adyan (les religions en arabe) une ONG, créée en 2006 à Beyrouth par le P. Fadi Daou prêtre maronite, et Nayla Tabbara, universitaire musulmane. Avec son « concept de citoyenneté inclusive des sensibilités religieuses », Adyan est devenue en une décennie la référence éducative et citoyenne du Liban, étudiée dans plusieurs pays arabes et occidentaux, confrontés au fléau du communautarisme.
Pour Nayla Tabbara et le P.Fadi Daou, la diversité des opinions dans l’histoire libanaise n’est pas un obstacle, « mais une richesse qui peut conduire à l’unité par le dialogue ». réconcilier le Libanais avec leur histoire : un défi que les autorités doivent affronter… Pour Adyan c’est à ce prix que le Liban deviendra un pays citoyen responsable.
Luc Balbont