Un visionnaire le P. Atallah ? Un pionnier plutôt… pionnier de la citoyenneté : le qualificatif lui va comme un gant. Étonnante personnalité que ce père antonin maronite, né en 1928, ordonné prêtre en 1957, qui, bien avant les autres, avait compris que son Liban natal était miné par le sectarisme et le confessionnalisme, deux fléaux à combattre sous peine du pire.
En éveil permanent, fin lettré, formé chez les jésuites, le P. Atallah, 89 ans, se définit « comme un touche à tout, fou de voyages et de rencontres (…) L’un ne va pas sans l’autre. Le voyage c’est un moment de partage. C’est l’occasion de sortir de ses frontières et de ses préjugés, pour se rendre compte que l’autre n’est pas si différent. Une rencontre peut bouleverser une existence ». Aujourd’hui encore, le père Maroun est toujours prêt à partir, pour rencontrer le voisin, l’écouter et partager. Voilà pourquoi, poussé par son entourage il a fondé en 2010 Reconstruire ensemble. Point d’orgue de l’association : le voyage annuel organisé à travers le Liban. Une semaine durant, les participants, chrétiens comme musulmans cohabitent et découvrent ensemble leur pays. « Les libanais qui voyagent volontiers à l’étranger, connaissent mal leur pays et son histoire. À cause des années de guerre civile, et du clanisme régional, ceux du nord vont encore rarement au sud, et vice-versa, explique le père. Comment aimer son pays, et de s’en sentir citoyen à part entière, si on ne le connait pas ? »
Le père Atallah ne rate jamais une occasion de provoquer les conservatismes orientaux. Le 10 février dernier, pour fêter saint Maroun, le Patron des Maronites, il avait invité 300 personnes. À la messe, la moitié de l’assistance n’était pas chrétienne. « C’est une jeune femme chiite, la fille de l’imam Hani Fahs, un des grands réformateurs musulmans qui a dit l’homélie ». Le père en rit encore.
Luc Balbont