Présentation et introduction de notre série de « Regards » sur l’Europe et la Méditerranée à l’occasion des élections européennes 2019. (Illustration : crédits KreativeHexenkueche)
ILD)
Du 23 au 26 mai prochains se tiendront, dans les 27 États membres de l’Union Européenne (sous les réserves liées au retrait du Royaume-Uni), les élections au Parlement européen. Cet évènement considérable – des millions d’européens vont ensemble élire 705 députés européens – ne peut laisser les Chrétiens indifférents, moins encore les Chrétiens de la Méditerranée.
Les chrétiens et l’espérance européenne
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les chrétiens se sont en effet profondément impliqués en faveur de la construction d’une Europe unie dont l’idée même est inscrite fondamentalement dans la pensée chrétienne[1].
Elle devait être l’occasion de concrétiser l’immense espérance de bâtir enfin une authentique coopération de sociétés et une solidarité de destins entre ses États membres longtemps déchirés par des guerres sans fin qui les conduisirent jusqu’à Auschwitz et au bord de l’anéantissement.
Beaucoup nourrissaient aussi l’espoir que, dépassant le strict cadre européen, cette construction soit l’occasion de lancer des ponts entre tous les pays du pourtour méditerranéen liés entre eux par une histoire plusieurs fois millénaires et une réalité géopolitique évidente.
L’actualité sinistre des milliers de migrants fuyant les rives du sud pour tenter de rejoindre celles qu’ils croient plus hospitalières du nord prouve cruellement toute la pertinence de cette vision.
Des échéances électorales aux enjeux cruciaux
Face à toutes ces espérances, comment s’annonce cette élection ?
Les Cassandre prédisent qu’elle sera l’occasion d’une abstention record, de votes sanctions ou protestataires, de revendications nationalistes ou populistes.
Quelques-uns de nos esprits les plus brillants ont dressé, après bien d’autres, un bilan et des perspectives peu encourageantes de l’état de notre Union[2],[3].
Le constat n’est pas nouveau et il est sans doute aisé de le dresser.
Bringuebalées par les crises et les mutations, les opinions publiques sont moroses et finissent par négliger 70 années ininterrompues de paix, un niveau de vie collectif comme l’humanité n’en a jamais connu, un système d’échanges universitaires qui ouvre au monde des millions de jeunes, la renaissance de l’Europe centrale après un demi-siècle de totalitarisme, le sauvetage de la Grèce que la faillite menaçait…
Prendre l’initiative pour « reprendre les choses en main » ?
Et pourtant, il est juste et urgent de s’interroger sur la direction qu’il convient de donner à une espérance dont la mise en œuvre ne convainc plus complètement, irrite souvent par des règlementations obscures ou tatillonnes, des atermoiements incompréhensibles, quand elle ne soulève pas l’indignation devant tant d’injustices non résolues, tant de misères non secourues, tant de potentialités délaissées ou mal orientées et angoisse ou révolte une partie des peuples qui ne trouve plus sa place dans le monde nouveau qui s’installe, semble-t-il, inéluctablement et sans elle.
Beaucoup d’initiatives sont lancées actuellement pour informer, expliquer, réfléchir à ce devenir commun, ce qui montre que l’attente est grande[4].
Nous savons bien en effet que notre avenir est inscrit fondamentalement dans le cadre européen et que le repli sur soi pour se donner l’illusion de « reprendre les choses en main » conduirait à une impasse tragique, comme le Brexit en fournit déjà la démonstration, alors que d’immenses défis se présentent – climat, développement, équilibres mondiaux… – qui ne peuvent d’évidence être relevés à l’échelle de nos seuls États.
Chrétiens de la Méditerranée s’engage …
Pour sa part, Chrétiens de la Méditerranée souhaite saisir l’occasion de cette élection européenne pour inviter à une réflexion centrée sur la relation entre l’Europe et la Méditerranée qui reste un des grands chantiers à engager, paradoxalement peu abordé.
Quelles formes la coopération économique peut-elle prendre dans l’espace euro-méditerranéen ? Où en est l’Union pour la Méditerranée ? Quel rôle va jouer la démographie dans cette région ? L’Europe saura-t-elle relever l’immense défi des flux migratoires dans le respect des principes qui ont inspiré sa fondation ? Comment peut-elle contribuer au respect des droits humains et des résolutions internationales dans toute cette région ? Quelle place occupent les religions ? Peut-on encore rêver d’un espace de tolérance et de respect ou sommes-nous vouer à affronter le « choc de civilisations » décrit par certains?
Cent questions qu’il conviendrait de repenser plus globalement dans la perspective de cette relation, de son actualité et de son devenir.
… et vous invite au débat !
Nous proposons d’engager ce débat par une série de contributions publiées à partir de ce mois de mars, dans la rubrique « Regards » de notre site internet.
Avec des contributeurs experts et de qualité…
On ne pouvait espérer meilleur introducteur à cette réflexion que Gabriel Nissim, o.p., qui nous présentera son regard de chrétien sur « une fraternité européenne autant que méditerranéenne », puis Jacques Huntzinger ancien ambassadeur de France auprès de l’Union pour la Méditerranée nous livrera une analyse des problèmes géopolitiques de l’espace euro-méditerranéen, Marilyn Pacouret confrontera ensuite les accords d’association UE/Israël avec les règles internationales de protection des droits de l’homme, tandis que René Valette traitera des aspects démographiques, en introduction à la question des migrants . D’autres contributions suivront.
… et une soirée de débat le 14 mai
Dans le même temps, nous vous proposons de prendre la parole et vous invitons à partager vos réflexions au fur et à mesure des publications via le formulaire de contact ou sur notre toute récente page Facebook.
Réagissez, faites part de vos réflexions, de vos analyses, de vos indignations.
Vos interventions seront collationnées pour être débattues avec nos contributeurs, au cours d’une soirée qui se tiendra le 14 mai de 18h à 21h au Couvent des Capucins de Paris, 32 rue Boissonade (métro Raspail ou RER Port- Royal) à laquelle nous vous espérons nombreux.
Bon débat !
Bernard Ughetto
Pour CDM
[1] Jean Dominique Durand – Les apports du christianisme à l’unité de l’Europe – Fondation pour l’innovation politique, 2018.
[2] Hubert Védrine – Face au chaos, sauver l’Europe ! – Laina Levi, 2016.
[3] Régis Debray – L’Europe fantôme – Tract Gallimard, 2018.
[4] Notamment :
- Le Collège des Bernardins, le Centre Sèvres, les revues Études et Projet ainsi qu’Arte se sont associés pour l’organisation d’un cycle de six débats intitulé « L’Europe face aux Européens » (de février à avril 2019). Pour voir et revoir les vidéos du cycle, cliquez ICI. À lire également, l’ouvrage d’Antoine Arjakovsky et Jean-Baptiste Arnaud – Retrouver le goût de l’aventure européenne (PDF gratuit) – issu de la réflexion du séminaire « Passé et avenir de la civilisation européenne » du Collège des Bernardins.
- Le colloque annuel de Pax Christi-France se tiendra le 23 mars 2019 (Centre Sèvres) avec pour thème : « 2019, quelles missions pour l’Europe ? Élection européenne, l’urgence du choix ». Pour plus d’informations, cliquez ICI.
- Le Monde diplomatique (mars 2019) – Dossier Europe. « Une union à refaire ».