L’année passée a une nouvelle fois été marquée par une hausse des actes antisémites de plus de 74% en France. L’actualité de ce premier trimestre 2019 confirme avec inquiétude une recrudescence anormale des actes antisémites avec des graffitis de plus en plus nombreux sur les murs et les cimetières, des agressions perpétrées et des menaces anonymes. Cette résurgence du fléau antisémite est condamnable et inacceptable. Lorsqu’un juif est agressé, insulté, assassiné, c’est toute la France qui est concernée. Chrétiens de la Méditerranée n’a de cesse depuis son existence à exprimer sa solidarité à la communauté juive et aux personnes qui sont victimes de tels actes et discours de haine.
En février, face à cette vague d’antisémitisme, le président de la République au diner du CRIF[1] a évoqué que la France va adopter « une définition de l’antisémitisme qui intègre l’antisionisme ». Le président affirme que l’antisionisme devait être reconnu comme « une des formes modernes de l’antisémitisme ». La confusion antisionisme-antisémitisme est inadmissible. Notamment leur assimilation vise à criminaliser le mouvement BDS[2], ce qui nous paraît insupportable.
Alors, nous souhaitons revenir sur ces mots porteurs de sens différents tout en rappelant que l’antisionisme n’est pas synonyme d’antisémitisme.
L’antisémitisme, mot impropre, est inventé au XIXe siècle par Wilhelm Marr, nationaliste-populiste allemand. Shlomo Sand précise sur son blog en février 2019, qu’il n’y a clairement « pas de peuple sémite mais des langues sémites (l’araméen, l’hébreu, et l’arabe qui se sont diffusées au Proche Orient) »[3]. L’antisémitisme s’est traduit dans le temps par des discriminations, des expulsions, des massacres et au siècle dernier par le génocide nazi. L’antisémitisme se définit comme la haine des juifs et il est condamné par la loi comme toutes les autres formes de racisme.
En revanche, l’antisionisme s’oppose au sionisme « mouvement politique et laïc » visant à l’établissement puis à la consolidation d’un État juif (la nouvelle Sion) en Palestine, en éliminant la présence du peuple autochtone palestinien, voire en le niant. Tous les juifs ne sont pas sionistes et ces derniers sont aussi divisés sur plusieurs sujets, dont les relations de l’État d’Israël avec les Palestiniens. Avraham Burg[4], sioniste, le 30 janvier 2002 en tant que président de la Knesset, prononce devant les députés cette phrase : « un peuple d’occupants, même s’il a été amené à occuper contre sa volonté, finit par être changé et défiguré par les tares de l’occupation »[5]. Les propos d’autres sionistes favorables à une solution des deux États ne sont pas pour autant « catalogués d’antisémitisme ».
L’association Chrétiens de la Méditerranée ne peut pas être taxée d’antisémitisme lorsque dans un même temps elle reconnaît à l’État d’Israël le droit d’exister, comme celui d’exister de l’État de Palestine, proclamé le 15 novembre 1988[6], sur seulement 22% du mandat britannique, ce qu’Israël refuse. De même, lorsque Chrétiens de la Méditerranée dénonce l’interdiction par Israël de circulation des Palestiniens, musulmans ou chrétiens, sur leurs lieux saints. De même lorsqu’elle condamne les conditions de vie, les injustices, la souffrance d’un peuple privé de droits depuis plus de 70 ans, soumis à un régime d’apartheid et les conséquences de l’occupation israélienne sur la vie quotidienne des familles.
Notre démarche est de prier le gouvernement israélien de respecter le droit international, les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée Générale de l’ONU, les conventions de Genève et d’une manière générale les droits de l’homme pour que les palestiniens puissent vivre en paix sur leur terre.
Nous voyons bien que les deux termes, antisionisme et antisémitisme, sont différents et que leur assimilation ne peut-être que nuisible pour l’avenir du conflit Israël/Palestine.
Patrick Gérault
Président de Chrétiens de la Méditerranée
PS : Pour aller plus loin dans l’analyse sur l’antisémitisme et l’antisionisme, nous vous invitons à lire la série d’articles publiée dans la rubrique « Regards » de notre site.
Notes
[1] CRIF : Conseil Représentatif des Institutions Juives de France
[2] BDS : Boycott, désinvestissement et sanctions, campagne internationale appelant à exercer un boycott et diverses pressions économiques, académiques, culturelles et politiques sur Israël afin d’aboutir à la réalisation de trois objectifs : la fin de l’occupation et de la colonisation des terres arabes, l’égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël, et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens.
[3] Cf. l’article de Blog de Shlomo Sand (février 2019) : « À propos des sémites et des antisémites, des sionistes et des antisionistes »
[4] Avraham Burg est intervenu à l’Université d’Hiver de Chrétiens de la Méditerranée à Annecy, en novembre 2018, sur « Jérusalem au cœur de la Méditerranée ».
[5] Article dans le journal l’Humanité du 30 janvier 2002 « Israël : Le président de la Knesset condamne l’occupation des territoires palestinien Avraham Burg, imprécateur »
[6] La déclaration du 15 novembre 1988 de l’Organisation de libération de la Palestine en exil à Alger été retenue par l’État de Palestine comme sa déclaration d’indépendance. Et en 2011, la Palestine est acceptée par l’UNESCO tel qu’une organisation. L’État de Palestine est reconnu le 29 novembre 2012, comme État observateur non-membre de l’ONU.
Illustration : Le Dôme du Rocher