Titre

La communauté judéo-chrétienne de Matthieu

Auteur

Anthony J. Saldarini ; traduction de Jean-Rémi Alisse ; préface de Dan Jaffé

Type

livre

Editeur

Paris : Cerf, 2019

Collection

Judaïsme ancien et christianisme primitif

Nombre de pages

439 p.

Prix

29 €

Date de publication

25 décembre 2019

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La communauté judéo-chrétienne de Matthieu

La publication de ce livre en anglais, il y a vingt-cinq ans, a fait date dans l’histoire de la recherche des origines du christianisme. On doit à l’éminent universitaire américain que fut A. Saldarini, la thèse, très nouvelle à l’époque, selon laquelle Matthieu et son groupe appartenaient encore à part entière à la communauté juive, en tant que « judéo-chrétiens » cherchant à légitimer vis-à-vis du judaïsme officiel la lecture de la Torah révélée par Jésus, le Messie et le fils de Dieu.

Fondée sur les compétences d’historien du judaïsme, de son auteur, cette thèse – qui fait désormais l’objet d’un large consensus au sein du monde académique – a montré le caractère anachronique et erroné de l’idée d’un christianisme coupé, dès la fin du premier siècle, de tout lien avec le judaïsme et se développant d’emblée en religion indépendante.

Il est heureux que cette contribution majeure à la question très débattue des rapports entre le judaïsme et le christianisme naissant soit désormais accessible à un plus large public, au-delà de la barrière de la langue.

Menée à l’aide des outils de la critique historique et des méthodes d’analyse de la narration, l’étude s’attache à situer le premier évangile dans le contexte très diversifié du judaïsme de l’antiquité tardive, et à montrer que « la vision du monde de Matthieu et ses enseignements spécifiques, même ceux concernant la figure de Jésus, sont parfaitement en accord avec le monde symbolique, religieux et intellectuel juif » (p. 30).

Au fil des sept chapitres, outre la place de Matthieu au sein du judaïsme du premier siècle, les notions clés utilisées par Matthieu sont définies avec précision. Ainsi, quand Matthieu parle de « peuple », il s’agit d’Israël ; quand il fustige ses adversaires, il désigne les dirigeants d’Israël. Bien que jouant un rôle positif dans son récit, les nations païennes restent pour lui à la périphérie de sa communauté, un groupe de « Juifs déviants » selon A. Saldarini.

Les deux dernières études sont respectivement consacrées à la spécificité de la « Torah de Matthieu » et à l’image d’un « Jésus Messie et Fils de Dieu », nouveau Moïse, accomplissant les grandes figures bibliques.

La conclusion, longuement développée, reprend une à une les principales thèses défendues dans le livre, pour en souligner les conséquences au niveau exégétique, historique et théologique. Relevons l’importance particulière de l’étude consacrée à la question du rapport entre Israël et l’Église : affirmer que l’évangile de Matthieu ne rejette pas Israël et ne fait pas de l’Église le « nouvel Israël », c’est aussi répondre au soupçon d’antisémitisme qui a pesé sur cet évangile et fait longtemps obstacle aux relations entre chrétiens et juifs.

De haut niveau scientifique, richement documenté et rédigé avec clarté et pédagogie, ce livre[1] ne manquera pas de passionner de nombreux lecteurs.

Odile Flichy[2]

 

Notes de la rédaction 

[1] Sa recension est publiée sur notre site avec l’aimable autorisation de la Revue Théologique de Louvain où ce compte-rendu paraîtra en mars 2020.

[2] Enseignante (Nouveau Testament) au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris, O. Flichy a écrit  L’Évangile de Matthieu.- Cerf, 2016.- (Mon ABC de la Bible) ; voir tous ses autres ouvrages. Elle a fait plusieurs recensions pour notre site, dont : Vie et destin de Jésus de Nazareth / Daniel Marguerat.- Seuil, 2019 et  La terre en Palestine/Israël, par Patrick Sabater.