Cet épais volume s’inscrit à la suite de l’ouvrage collectif paru en 2017 sur Jésus.¹

Les très nombreux auteurs – près de quatre-vingts – réunis par le comité éditorial contribuent à donner le panorama d’un monde et d’une période souvent méconnus du chrétien du 21ème siècle. Au cours des trois premiers siècles – de l’ère commune, comme le soulignent la plupart des rédacteurs – se vivent et s’inventent des communautés chrétiennes jusqu’à ce qu’elles fassent Église et deviennent religion d’empire à l’époque constantinienne, au début du 4ème siècle.

L’enquête proposée commence “après Jésus” jusqu’en 250, date retenue pour marquer le terme de cette période, celle de “l’invention du christianisme”, le terme invention étant compris “en son sens le plus fort et le plus riche, son sens étymologique : in-venire, c’est découvrir. Découvrir ce qui est là et qu’on ne voyait pas : la richesse d’un héritage, les promesses d’une rencontre, les implicites d’une annonce, les possibilités d’un envoi. Jésus n’est pas le fondateur du christianisme, puisqu’il n’a pas institué lui-même une nouvelle religion. Mais l’invention du christianisme, comme le martèle l’apôtre Paul, a pour unique fondement Jésus de Nazareth, Christ (Messie), “mort et ressuscité” (1 Co 3, 11), semence puissante de nouveauté.” (p. 12)

Roselyne Dupont-Roc² et Antoine Guggenheim³ ont sollicité des chercheurs ou spécialistes internationalement reconnus. Ce faisant, ils ont largement diversifié et enrichi l’enquête proposée et donnent au lecteur une vision aussi complète et exacte que possible en se fondant sur les plus récentes publications.

Il convient également de mentionner l’utile contribution de François Boespflug et Emanuela Fogliadini, qui ont choisi et commenté une abondante illustration⁴. Ce faisant, ils donnent au lecteur le temps de reprendre son souffle.

“L’invention” du christianisme est articulée en trois parties. La première attire l’attention sur la diversité des pratiques religieuses au sein de l’empire romain et met en valeur les sources littéraires et archéologiques disponibles ; la seconde s’achève sur l’affirmation de Jésus comme Christ ou Messie et insiste sur l’activité missionnaire de Paul pendant que le christianisme s’émancipe du judaïsme ; la troisième évoque l’organisation des Eglises jusqu’aux confins de la terre connue en insistant sur l’essor d’une pensée chrétienne dans les pôles urbanisés : Alexandrie, Antioche de Syrie, Césarée de Palestine dans la Méditerranée orientale et Carthage, Rome et Lyon en Méditerranée occidentale.

De cette manière, le lecteur traverse une période resserrée dans le temps mais lourde de controverses liturgiques ou théologiques (fixation de la fête de Pâques, querelles christologiques puis trinitaires notamment). En dépit d’une littérature conséquente, l’histoire de cette période demeure un objet de débat car les sources restent partielles et donc insuffisantes pour aboutir à des conclusions exhaustives et définitives. Chercheurs et enseignants apportent ici leurs nombreuses contributions, qui parfois se répètent au fil des pages.

La consultation comme la lecture suivie de l’ouvrage susciteront l’envie de suivre les pistes ou les enquêtes ouvertes par les auteurs listés en pages 645-670 du volume. Une place privilégiée revient aux trois conseillers scientifiques qui ont largement contribué à cette encyclopédie : Marie-Françoise Baslez⁵, Michel Fédou⁶, Michel Quesnel⁷. Il faut enfin encourager les lecteurs les plus passionnés à se plonger dans des ouvrages incontournables de Dan Jaffé⁸, et de Simon Claude Mimouni⁹.

La principale vertu de cette entreprise pourrait bien être d’interpeller le lecteur pour qu’il ne se satisfasse jamais des a priori ou des clichés sur les débuts de la foi chrétienne, véhiculés au fil des siècles. En effet, il pourra “constater que l’ensemble des travaux rassemblés ici déconstruit l’image d’un christianisme né tout armé d’un cerveau de théologien, ou tout institué par la décision d’une poignée d’apôtres ou d’évêques.” (p.18). Pour un chrétien du 21ème siècle, qui ne manque pas aujourd’hui d’être bousculé, l’exercice est gage de liberté de penser. L’annonce de l’évangile demeure pierre d’achoppement et source de questionnement.

Marc Ameil

Notes de la rédaction