J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond

Cette biographie de John Muir nous ramène au XIXe siècle américain, au temps où la nature était préservée dans sa richesse luxuriante et son immensité foisonnante.

Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011¹, agrégé de sciences naturelles, rend bien vivante cette extraordinaire figure de la toute première écologie intégrale.

Né en 1838, en Écosse, dans une famille dominée par un pasteur austère et sévère, le jeune John Muir traverse une enfance de rigueur et de travail. Il découvre la nature, mais aussi les livres. Quand le petit John a dix ans, son père emmène sa famille dans le grand voyage de l’immigration aux États-Unis. Le travail harassant continue dans la ferme du Wisconsin où ils aboutissent dans la plus grande pauvreté, mais John découvre une création infinie de possibilités et de richesses. Il est impressionné par la multiplicité des fleurs et des oiseaux, des arbres et des plantes. Au milieu de ses nuits, il se met à fabriquer des machines en bois qui serviront d’horloge “pour se lever le matin”. Il bricole des systèmes de génie ce qui l’amène à l’université, où il fait de très bonnes études et devient un naturaliste savant.

Puis il commence à voyager comme un vagabond, sans équipement et sans bagage, en prenant des risques insensés, à travers son nouveau pays, en passant par la Floride et surtout par la Californie. C’est là qu’il découvre la très fameuse région du Yosemite, qui devient le cœur de sa découverte. Il prend des notes sans cesse et écrit des articles dans des revues spécialisées. Il sillonne cette contrée dans tous les sens et devient très connu. Il est invité partout ; il visite plusieurs fois l’Alaska et parcours les États-Unis.

Mais régulièrement, cet homme austère et courageux revient dans la vallée du Yosemite, “cette cordillère de lumière où se révèle dans sa plus grande perfection l’œuvre du créateur”. Il se désole de voir ces immenses espaces de plus en plus cernés par les touristes, l’industrie, les mines, etc. Il lutte pour que cette région devienne un parc protégé, sous l’autorité du gouvernement fédéral, un parc où toutes les activités commerciales seraient bannies. Il l’obtient en 1900. Car c’est là “qu’il a l’impression d’être chez lui ; de rejoindre l’éternité”. Il est effrayé par le matérialisme général qui suit la conquête de l’Ouest et qui n’apprécie ces espaces que dans leur utilisation commerciale. Pour lui, la création est naturelle et spirituelle à la fois.

Le vagabond, l’explorateur se fait défenseur de la Nature et de ses trésors. Il va même jusqu’à passer un week-end entier au Yosemite avec le président des États-Unis, Theodore Roosevelt, pour partager cette passion des grands espaces. Invité dans de multiples pays, devenu riche et célèbre, il refait le voyage vers l’Écosse pour y retrouver ses racines et il part en 1904 dans un immense périple d’une année autour du monde en passant par Moscou, le Japon, l’Australie et Honolulu.

Très vivant et toujours coloré, foisonnant et lumineux, le récit d’Alexis Jenni est parsemé de réflexions de l’auteur qui se sent très proche de John Muir par l’interrogation qu’il porte sur le sens de la vie dans la société industrielle. Le fondateur de l’écologie, inconnu en France, méritait bien une si brillante biographie².

Pierre de Charentenay

Notes de la rédaction