Titre
ApeirogonAuteur
Colum McCann ; traduit de l'anglais (Irlande) par Clément BaudeType
livreEditeur
Paris : Belfond, 2020Nombre de pages
509 p.Prix
23 €Date de publication
16 juin 2021Apeirogon
S’il fallait donner un titre compréhensible au premier coup d’œil à ce roman (qui n’en est pas vraiment un), j’opterais pour “Rien de nouveau sous le soleil” ou “Voyage en Absurdie” ou encore “Ne survolez pas nos souffrances”… Le titre donné, référence à un polygone au nombre infini de côtés, évoque, bien sûr, les innombrables situations absurdes, dramatiques, terrorisantes qui écrasent le Proche-Orient depuis des années, voire des siècles… et qui ont écrasé toutes les régions du monde à un moment ou à un autre de l’histoire toujours ponctuée par les guerres, les combats fratricides, les discriminations, les génocides… Je crains juste que celles et ceux qui n’ont jamais eu de contact direct avec la terre de Palestine et d’Israël aient un peu de mal à suivre certains chapitres…
Le livre est construit comme une pyramide en mille chapitres qui culminent en deux chapitres 500, racontant la vie des personnages à l’origine de l’œuvre : Bassam et Rami, un Palestinien et un Israélien que rapprochent, au sein des Combattants pour la Paix et du Cercle des parents, la douloureuse expérience de la perte d’un enfant (une balle dans la tête pour Abir, fille de Bassam, un attentat kamikaze pour Smadar, fille de Rami). À travers leur histoire, les récits qu’ils en font, la manière dont les procès engagés portent ou non des fruits, l’auteur nous fait parcourir non seulement Israël-Palestine d’aujourd’hui avec les souffrances et les contradictions que l’on sait, mais l’histoire plus ancienne, notamment celle de la shoah ; et puis aussi les migrations d’oiseaux… j’avoue que c’est moins évident… sauf si on regarde attentivement la très belle illustration de la couverture du livre où l’on peut voir, très loin l’une de l’autre, deux colombes qui tentent de se rejoindre malgré les nombreux autres oiseaux qui occupent le terrain… image sans doute des militants pour la paix qui se retrouvent injuriés, critiqués, emprisonnés, exclus, voire supprimés…
L’écriture de Colum McCann est parfois déroutante car les “chapitres” se résument souvent à un seul mot ou à une image. Et puis on passe quelques chapitres avec Bassam ou avec Rami, aujourd’hui, puis on part sur leur enfance, on apprend à connaître leur famille, on les voit voyager pour tenter de comprendre l’absurdité de la haine raciale… Ou alors on s’attarde sur les différentes sortes d’oiseaux migrateurs qui survolent le Moyen-Orient en automne… Ou encore on visite un camp de concentration (Theresienstadt), “déguisé” à l’occasion d’une visite de la Croix Rouge… Et on suit le funambule Philippe Petit sur les 300 mètres de câble au-dessus de la vallée du Hinnom (Géhenne pour les familiers de la Bible) au moment de la première intifada…
La liste des remerciements en fin d’ouvrage est longue, et on sent que l’auteur a cherché au maximum ce qui pourrait étayer son approche, mais il faut saluer au-delà du don de l’écriture, la culture infinie de l’auteur1, qui évoque des domaines qu’on n’attend pas forcément après avoir lu la quatrième de couverture qui parle avant tout de Bassam et Rami “nés pour se haïr et qui décident de se battre pour la paix”.
Danielle Morel-Vergniol
Note de la rédaction
1 Colum McCann, écrivain irlando-américain, était l’invité de G. Erner, sur France culture, le 25/09/20 (43 mn)