Titre

Histoire de la papauté en Occident

Auteur

Thomas Tanase

Type

livre

Editeur

Paris : Gallimard, 2019

Collection

Folio. Histoire ; n° 292

Nombre de pages

587 p.

Prix

11,50 €

Date de publication

7 août 2021

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Histoire de la papauté en Occident.

On a dans ce livre une admirable histoire, et aux deux sens du terme. C’est une recherche savante, critique, respectueuse des débats et conflits qui traversent les sociétés, un discours rigoureux qui prend en compte la diversité des points de vue et les intérêts divergents. Mais c’est aussi une histoire qui se raconte, un de ces grands récits qui parlent à l’esprit et permettent, à l’écoute d’un conteur expérimenté, de se situer et de mieux se comprendre dans la durée. L’auteur est souvent amené à donner une vision originale des faits qu’il rapporte à partir de sa vaste érudition, renouvelant ainsi des questions souvent entourées de confusion et de parti-pris. Citons seulement son approche de la Croisade, de l’Inquisition, de la colonisation, des guerres et révolutions du 20 siècle, sujets toujours ouverts à la controverse.

Pourquoi ce titre, la papauté “en Occident” ? C’est que d’autres chefs d’Église portent le titre de pape. La papauté romaine est apparue dans un Empire qui unissait encore un Orient et un Occident. Puis est venue la disparition formelle de l’Empire d’Occident, et la papauté a été liée à la survie de l’idée d’Empire. Elle a ainsi été mêlée aux projets impériaux qui ont ressurgi au fil des siècles, dès l’époque carolingienne. L’Empire romain d’Orient semble alors s’éloigner, devenir seulement grec puis “byzantin”, avant d’être conquis par les Turcs ottomans. Il s’agit bien de l’institution papale, centrée sur la ville de Rome, son Église, son évêque, non du christianisme en général.

Mais si Rome a régné sur la Méditerranée, son influence s’est étendue bien au-delà. Elle a connu la présence constante de l’autre du christianisme qu’est le judaïsme, l’apparition troublante de la nouvelle révélation, l’islam, allant à l’encontre de la croyance chrétienne d’incarner l’ordre ultime du monde. Rome a partie liée avec la modernité, avec la mondialisation, sous ses diverses formes, à travers les failles qu’elle provoque, et qui sont toujours actives : l’Orient et l’Occident, l’Europe et son au-delà, le religieux et le politique, la force et le droit, l’impérialisme et les nationalismes… On suit comme une genèse de l’Occident tel qu’il s’entend aujourd’hui, et la papauté y est impliquée d’une manière globale, non pas seulement à travers la croyance et le sacré, mais à travers le droit, l’administration publique, les sciences, l’économie, les arts, et jusqu’à la conduite de la guerre.

La division en quatre parties est classique : l’Église dans l’empire romain ; une “Eglise-monde”, couvrant le Moyen-âge ; la papauté face à un monde élargi, du 16 au 20 siècle ; la papauté dans un monde globalisé au tournant du 21 siècle. Citons des titres : “L’empire de la norme”, où est décrite la construction du système politico-juridique de la Curie, face au “saint inattendu” qu’est François d’Assise ; “La papauté face à l’invention de la modernité” ; “La papauté face aux révolutions” ; “La papauté face au suicide européen”, les guerres mondiales et les totalitarismes du 20 siècle. Et cet intertitre choc : “Le pape François, de la stratégie de Cassandre à la stratégie de Zorro?”. Se trouve ainsi éclairée cette étonnante symbiose contemporaine entre des pouvoirs politiques et économiques éclatés et une civilisation unifiée, fondée sur la science et la communication, où la Méditerranée reste un pôle majeur et où la papauté prend une place originale dans sa faiblesse matérielle.

Ponctuant ce récit factuel vivement mené, le grand récit prend forme au rythme des introductions, une remarquable introduction générale et les introductions des parties et chapitres1. Les enjeux de l’histoire globale sont repris en conclusion. Il ne s’agit pas d’un passé révolu, ni d’un exercice gratuit. La mémoire que l’on garde permet de faire face aux menaces de l’avenir :

“Celles-ci ne pourront être évitées qu’en refaisant corps, en recréant des destins collectifs inscrits à la fois dans une épaisseur historique, culturelle, et dans un monde ouvert, généreux, capable de construire quelque chose de commun…” (p.517).

Jean-Bernard Jolly

Administrateur de Chrétiens de la Méditerranée

1 Il y a 65 pages d’index et de bibliographie. Les ouvrages sont de préférence en français ou en traduction française mais l’historiographie de langue anglaise, aux orientations souvent différentes, n’est pas oubliée.

Thomas Tanase, professeur agrégé et docteur en histoire, a résumé les éléments de son livre en une dizaine de pages dans l’article suivant, paru dans La revue géopolitique, du 29/10/2016 : La papauté, une institution mondialisée ?

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