Atlas des migrations.

Un atlas est une mosaïque géographique de multiples informations sur les divers pays de notre planète. Ce petit volume, qui concerne les migrations dans le monde aujourd’hui, va bien au-delà des chiffres et des illustrations, par ailleurs remarquables. Il analyse les phénomènes en cours et prend des options sur les principes qui devraient guider ces mouvements devenus plus faciles grâce aux progrès de la mobilité, mais devenus en même temps plus difficiles à cause de la multiplication des visas et de la sécurisation des frontières. Les contradictions apparaissent entre la généralisation de l’économie libérale et le contrôle parfois militaire des entrées.

Regardons d’abord la structure générale de l’ouvrage divisé en cinq parties :

La première partie décrit quelques facteurs de la migration, certaines catégories de migrants comme les étudiants et les touristes, ou les migrants de l’environnement. Il en ressort que le monde est entré dans une ère de migrations de masse, qui n’est pas liée seulement à des besoins de main d’œuvre. Le monde se met à bouger et les instruments pour gérer cette mobilité ne sont pas adéquats.

La deuxième partie s’attache à l’Europe, une des premières destinations des migrants. Après avoir souligné les crises de l’accueil des réfugiés, l’auteure passe en revue la problématique migratoire telle qu’elle est vécue par plusieurs pays européens, Allemagne, France, Grande-Bretagne, l’Europe de l’Est et du Sud. La fin de l’immigration du travail en 2004 a provoqué une accélération de l’immigration irrégulière sans que les politiques de dissuasion aient été efficaces.

La troisième partie concerne le Sud en mouvement, l’Afrique subsaharienne, le monde turc, le golfe persique, la Chine, l’Inde et l’Asie du Sud-Est. Les écarts de richesse et la grande pauvreté sont des moteurs de mouvements de population, avec un début de négociation sur les migrations du Sud vers le Nord.

La quatrième partie décrit le Nouveau Monde, Amérique du Nord et du Sud comme des terres d’immigration, selon une tradition déjà ancienne. “Le multiculturalisme et la promotion de la diversité ont servi à unifier la construction de la nation dans ces pays.”

La dernière partie traite des enjeux politiques pour demain, des politiques d’émigration dans les pays de départ, et des relations entre migrations et développement. On voit poindre le projet d’une gouvernance mondiale de l’immigration, posant la question des souverainetés que les pays occidentaux défendent encore.

Ce contenu est pédagogiquement organisé en courts chapitres de deux pages, illustrés par de multiples schémas, cartes et tableaux, qualitatifs ou quantitatifs. Une conclusion brève résume le propos de chacun de ces chapitres.

Arrêtons-nous un instant sur les deux courtes sections qui traitent de la France et qui répondent à bien des idées reçues. Un Français sur quatre a un grand-parent ou un arrière grand-parent étranger, et pourtant le mythe de la pureté de l’identité ne cesse d’alimenter les débats. On a voulu “maîtriser l’immigration”, ce qui a mené à une lutte contre les clandestins. La discussion actuelle vise surtout les groupes trop “visibles”, souvent de culture musulmane et qui poseraient la question de la possibilité du modèle républicain français menacé par des appartenances communautaires. Mais l’avenir est encore plus complexe quand on sait qu’en 2060 il y aura plus d’inactifs que d’actifs.

L’intérêt d’un tel atlas n’est pas à démontrer, notamment dans ses mentions des grandes évolutions du phénomène migratoire, et dans quelques conclusions qu’il propose. Les migrations atténuent les grandes fractures des inégalités de développement. Elles ouvrent à la perspective d’un monde qui reposera davantage sur la mobilité. Rappelons que ces informations et ces analyses ont pour auteure Catherine Wihtol de Wenden, une des spécialistes les plus reconnues, qui a montré par ses multiples publications et interventions toute l’étendue de sa compétence sur le sujet¹.

Pierre de Charentenay

Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (ICM)