Titre

Liban

Sous titre

Genèse d’une nation singulière

Auteur

François Boustani

Type

livre

Editeur

Paris : Erick Bonnier, janv. 2020

Collection

Encre d’Orient

Nombre de pages

450 p.

Prix

22 €

Date de publication

1 décembre 2021

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Liban

Le Liban fait partie du Proche-Orient, que l’on a appelé le Levant, et qui a été restructuré par la France et la Grande-Bretagne. La question de ce livre est de savoir comment une entité libanaise a vu le jour alors que les frontières de ce pays ont été créées ex nihilo.

Un embryon de nation existait dès le XIX siècle au Mont-Liban, issu de la rencontre des émirs druzes et le l’Église maronite. Le Liban s’est alors constitué en s’élargissant comme une nation contractuelle entre différentes communautés présentes dans l’ensemble du Levant, notamment sunnites et chiites. Si les émirs ont eu une place prépondérante dans cette histoire, d’autres acteurs ont participé à la construction de l’identité libanaise, comme l’Église maronite, les protestants et les jésuites. Le Liban ne peut se comprendre qu’en le plaçant dans la complexité de toute la région, celle de l’empire Ottoman, les persécutions de minorités, la création d’Israël, la proximité de la Syrie. Les différentes communautés jouissent de leur liberté dans la formule très spécifique du vivre-ensemble libanais. C’est cela qui est singulier et dont il faut expliquer les fonctionnements.

Pour développer sa thèse, l’auteur1 part d’un examen des communautés d’origine, une majorité de sunnites, parsemée de minorités chrétiennes et de communautés musulmanes dites schismatiques, chiites, druzes, ismaéliens, sans compter les Kurdes. La communauté chrétienne elle-même est divisée à l’extrême, selon des différends théologiques très anciens, division qui remonte à l’opposition entre Grecs et Latins, alors que le Levant reste marqué par un fond sémite qui continue à conditionner les comportements.

Bien sûr, l’influence de l’Occident a été déterminante pour la construction de cette identité libanaise, notamment l’éducation qui a fait de Beyrouth le cœur des universités de cette région, avec les protestants américains et les jésuites, appuyés par la République française pourtant laïque. Mais l’identité libanaise se construit aussi sur les ruines de l’Empire ottoman dont l’auteur explique en détail le morcellement et la chute. La guerre de 1914 est l’occasion d’un dernier sursaut de l’empire avant l’effondrement de 1920.

Partant d’une étude détaillée de la Conférence de Paris de 19192, et de ses implications sur la région, ces pages reprennent l’histoire du Liban de manière chronologique en commençant le 3 août 1920 avec la proclamation du Grand Liban3. C’est à cette date qu’ont eu lieu diverses rencontres qui ont amené au découpage des zones de mandat. A la lecture de ces pages, on mesure bien la complexité extrême de ces décisions.

Le Mandat français s’achève le 22 novembre 1943 avec l’indépendance du Liban. Ce fut une période de lutte avec des rébellions en Syrie, des guerres en Arménie et en Cilicie, et la création de la Jordanie. Mais ce fut aussi un temps de grand développement avec la création du port et de l’aéroport de Beyrouth.

La dernière partie du livre est plus synthétique puisqu’il s’agit de reprendre, en une cinquantaine de pages, la question de l’identité libanaise. Pays de la diversité, le Liban est la résultante de trois nationalismes, le nationalisme arabe, chrétien à l’origine et de plus en plus musulman, le “libanisme”, phénicien à l’origine et de plus en plus chrétien, et le sionisme, avec la création de l’Etat d’Israël qui provoqua des mouvements de populations dans toute la zone. Dès 1948, les Palestiniens émigrèrent en masse, dont 130 000 au Liban. Avant l’an 2000, les juifs libanais avaient presque tous quitté le Liban. On peut comprendre que le vivre-ensemble libanais est compliqué. Le passage d’un Grand Liban chrétien à une nation multiconfessionnelle a produit des communautés qui se tournent le dos en menaçant l’identité libanaise. L’environnement géographique n’est guère porteur, mais ce pays est menacé par ses propres démons, “une classe politique plus préoccupée par ses intérêts personnels que par le bien commun”.

Très fouillé, très détaillé, ce livre permet une remarquable plongée dans les arcanes de la naissance et de la vie d’une nation “singulière”.

Pierre de Charentenay

Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (ICM)

Notes de la rédaction

1 François Boustani est cardiologue en région parisienne. Il a quitté le Liban au début de la guerre civile pour suivre des études de Médecine à Montpellier, puis de cardiologie à Paris. Passionné d’Histoire, il a écrit de nombreux articles et donne régulièrement des conférences sur l’histoire de la Médecine et des échanges entre l’Orient et l’Occident. Il a publié – chez Philippe Rey – en octobre 2007, un livre intitulé La circulation du sang : entre Orient et Occident, l’histoire d’une découverte qui a obtenu le Prix de l’Académie des sciences d’Outre-Mer (décembre 2007), le Prix Jean-Charles Sournia de l’Académie nationale de Médecine (juillet 2008) et le Prix France-Liban décerné par l’ADELF (novembre 2008). Élu en janvier 2013 membre correspondant de l’Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier, il a reçu en juin 2017 la Grande médaille de la Francophonie décernée par l’Académie française. (cf. site de l’éditeur)

3 Le 3 août 1920, l’arrêté 299 du Haut-commissariat de la République française en Syrie et au Liban rattache les cazas de Hasbaya, Rachaya, Maallaka et Baalbeck à ce qu’on appelle alors le Territoire autonome du Liban. Puis, le 31 août 1920, le général Gouraud signe l’arrêté 318 délimitant l’État du Grand Liban, avec des notes explicatives précisant que le Liban serait traité séparément du reste de la Syrie. Le 1er septembre 1920, le général Gouraud proclame publiquement la création de l’État du Grand Liban lors d’une cérémonie devant la résidence des Pins à Beyrouth, avec, à sa droite, le patriarche maronite et, à sa gauche, le mufti sunnite : voir photo de la page de couverture. (cf.article de Wikipédia Mandat pour la Syrie et le Liban)

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