Titre
PalestineSous titre
La trahison européenneAuteur
Stéphane Hessel et Véronique De KeyserType
livreEditeur
Fayard, 11/09/2013Nombre de pages
286 p.Prix
18 €Date de publication
28 juin 2014Palestine la trahison européenne
En février 2013, mourait Stéphane Hessel, alors qu’il travaillait à cet ouvrage avec Véronique De Keyser, vice-présidente du groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, spécialiste du Moyen-Orient et responsable des contacts de l’Europe avec les acteurs du conflit Israël-Palestine.
La contribution de Stéphane Hessel est essentielle dans un long avant-propos : c’est là qu’il situe et éclaire les racines et les spécificités d’un affrontement qui ne cesse pas depuis plus de soixante ans. Défenseur des Droits de l’Homme, acteur de la réconciliation franco-allemande au sein de la construction européenne, Stéphane Hessel insiste sur le droit des peuples consacré par le « seul droit international légitime que sont les Nations Unies. » Pour l’ONU de 1947, deux États avec leurs droits et leurs responsabilités pouvaient être créés dans des limites âprement négociées. Les refus des uns et des autres vont entraîner un conflit sur fond de traditions religieuses (juifs contre musulmans) et du primat de la force. Dans l’ivresse de ses victoires successives, Israël commettra des erreurs par l’annexion ou l’oppression. Et permettra ainsi d’entretenir, de façon tenace, la rancune et l’humiliation des vaincus et le désespoir des opprimés. Aujourd’hui, l’Etat palestinien n’a toujours pas vu le jour, Israël continue de coloniser les territoires, le droit international n’est pas respecté.
D’espoirs déçus (accords d’Oslo…) en catastrophes (guerres du Liban et à Gaza), Véronique De Keyser va illustrer cette lente dégradation de la situation à travers l’action de la politique européenne, entre les années 2005 et 2013, en gros, la période Abbas. C’est un long récit, détaillé, précis, documenté, n’évitant pas de présenter toute la complexité des rapports entre les peuples, les gouvernements, les intérêts économiques des uns et des autres. On assiste, au fil des années, à des capitulations successives de l’Europe, à son « suivisme » de la politique américaine, à son impuissance congénitale à affronter un tel problème, à la division de ses membres dans des prises de positions contradictoires et dispersées. Jamais l’auteure ne met en cause les personnes (Javier Solana ou Cathy Ashton), mais bien l’absence de politique commune. L’Europe est inexistante : son déficit démocratique et une certaine mauvaise conscience de la Shoah l’empêchent d’être un acteur significatif pour faire respecter le droit des peuples. C’est en ce sens qu’elle a « trahi. »
Chacun des deux auteurs, dans son domaine, se montre particulièrement compétent et rigoureux dans son analyse. Mais tous les deux laissent transparaître leur désarroi, leur honte, pour ne pas dire leur « indignation », devant cette situation. La frilosité des institutions européennes a contribué à la dégradation de cette Palestine où Gaza, aujourd’hui, est devenu une véritable tragédie humanitaire.
Pourtant, et c’est l’heureuse conclusion de l’ouvrage, il existe une jeunesse palestinienne qui veut croire à un autre avenir et qui s’y prépare. « Jamais nous n’enterrons l’espoir », déclare l’un d’eux.
Malgré ces quelques pages noires de violences, de guerre, d’intolérance religieuse, de déni démocratique, le livre de Stéphane Hessel et Véronique De Keyser entretient cet espoir par le fait même qu’il a été écrit et qu’il nous invite, nous, Européens, à nous interroger et à agir.
Claude Popin