A Jérusalem, les scouts palestiniens affirment leur foi en l’avenir

Pour les 400 scouts et guides arabes de Jérusalem, le scoutisme est un lieu de croissance spirituelle mais aussi une façon de renforcer leur identité dans un contexte politique instable

Le son des cornemuses et des tambours retentit dans les ruelles du quartier chrétien de Jérusalem. Chaque semaine, les scouts et guides catholiques ont l’habitude de se retrouver dans les locaux de la paroisse latine, non loin du Saint-Sépulcre, où sont organisées de nombreuses activités culturelles et spirituelles pour les jeunes palestiniens habitant la vieille ville : fanfare, jeux de société, clubs sportifs, et, bien sûr, préparation des camps et des célébrations religieuses… « Notre groupe compte 400 garçons et filles de 5 à 19 ans. C’est l’un des plus grands et des plus anciens de la région, fondé il y a plus de 80 ans, détaille fièrement Girigs, la quarantaine, solide gaillard en charge des ateliers sportifs. Nous essayons de développer une grande diversité d’activités, toujours en lien avec l’Église. »

“Ce soir-là, une quarantaine d’entre eux a rendez-vous autour d’un plat traditionnel – poulet grillé, riz et houmous – pour évoquer les projets en cours, notamment le camp d’été. « Vivre l’idéal scout, en Israël et à plus forte raison dans les territoires palestiniens, constitue un vrai défi », précise Sawsan Bita, bénévole chargée du comité social des scouts de Jérusalem. Récemment encore, cette mère de trois enfants s’est démenée pour permettre à un groupe d’adolescents d’aller prêter main-forte dans un orphelinat de Bethléem, juste de l’autre côté du Mur de séparation. Un vrai casse-tête, compte tenu des difficultés de circulation et des discriminations rencontrées par la population arabe, même lorsqu’elle possède un statut de résident. Ainsi, pour pouvoir camper en pleine nature, faire du feu, couper du bois et organiser des jeux de nuit – les bases du scoutisme – les organisateurs optent le plus souvent pour des propriétés appartenant à des congrégations religieuses, afin de contourner les embûches administratives.

« Dans ce contexte, poursuit Sawsan Bita, notre discours est parfois difficile à tenir : comment transmettre des valeurs de respect et cette foi qui nous habite à des jeunes qui n’ont connu que l’injustice ? » Pourtant, cette universitaire, chargée par ailleurs de coordonner les programmes du Centre œcuménique de théologie de la libération de Sabeel (1), veut croire aux vertus apaisantes du scoutisme: « Les Israéliens font tout pour les décourager, les empêcher de s’exprimer… Beaucoup de jeunes se sentent humiliés, frustrés. Ils rêvent de s’installer à l’étranger pour changer de vie. D’autres sont tentés de basculer dans la violence. Jusqu’ici, nous arrivons à les canaliser. Mais si la situation continue à se détériorer, on ne pourra plus rien contrôler, s’inquiète-t-elle. À chaque nouvelle crise, quand nous les sentons sous pression, nous essayons de relire la situation à la lumière de l’Évangile, de leur donner des repères pour qu’ils puissent mettre des mots sur ce qu’ils vivent. »

 « Vivre l’idéal scout, en Israël et à plus forte raison

dans lesterritoires palestiniens, constitue un vrai défi. »

 « Les scouts, c’est comme ma deuxième famille », indique ainsi Nicole, brunette de 14 ans portant l’uniforme kaki avec décontraction. Malgré son jeune âge, la collégienne envisage déjà de se tourner vers des études de médecine : « Nous manquons de chirurgiens d’origine palestinienne, de personnel qualifié. Or, l’éducation est une forme de résistance pacifique, de même que le scoutisme, qui favorise la compassion et l’entraide », affirme-t-elle sur un ton réfléchi. Pour d’autres, le scoutisme est aussi un moyen d’ « exister en tant que chrétien dans une ville où coexistent trois religions », comme le fait remarquer Michel, 18 ans. Tous s’accordent néanmoins pour dire que le vrai problème n’est pas d’abord la cohabitation avec l’islam ou le judaïsme, mais bien une question politique.

Élève hôtelier à Bethléem, Amir, jeune chef de 20 ans, en sait quelque chose. Il lui arrive fréquemment de manquer les cours à cause des interminables contrôles de sécurité imposés au « check-point » dressé à l’entrée de la ville. Même s’il reconnaît que « l’idéal scout est difficile à vivre sous occupation », il refuse toutefois de se laisser entraîner dans la spirale de la colère : « Je garde l’espoir qu’un État palestinien sera un jour créé, pour que nous sortions de ces guerres sans fin… C’est mon pays et je ne le quitterai jamais. Le scoutisme m’a aidé à tenir jusqu’à aujourd’hui. » Sawsan Bita, elle, espère que d’autres suivront l’exemple d’Amir ou Nicole : « Soumis à un exode massif, les chrétiens palestiniens sont de plus en plus isolés. Nous devons tout faire pour permettre aux jeunes de découvrir une foi vivante qui leur donne confiance en l’avenir, et qui ne soit pas qu’un simple sentiment d’appartenance. » À 19 ans, Mira a choisi de se former pour devenir cheftaine. Et quand on lui demande ce qu’est, au fond, l’esprit scout, elle répond sans hésiter : « C’est apprendre à devenir quelqu’un de bien. (1) Ce centre réunit depuis 1994 des chrétiens palestiniens de diverses Églises et traditions à Jérusalem et Nazareth pour fortifier leur témoignage de foi.” Article publié dans le journal La Croix du 10 juillet 2010. Pour connaître le journal La Croix