Mai 68 : la jeunesse ne gronde pas qu’en France ! A Rome, de jeunes Italiens, eux aussi, veulent faire bouger “le vieux monde”. Mais ils n’abandonnent pas pour autant leur foi chrétienne. Au contraire, l’Evangile dont ils s’inspirent sera leur guide et leur boussole. Un guide dont ils extraient quelques mots-clés plus que jamais au cœur d’un engagement dont les 50 ans seront fêtés à Bologne, du 14 au 16 octobre.
Le premier mot-clé sera “la fraternité”. La boussole les conduira, elle, au service des plus pauvres : enfants en difficulté et personnes âgées. Le deuxième mot-clé sera “la justice” qui vole en éclats dans nombre de pays où le sous-développement accouche d’une violence quotidienne. La boussole les orientera vers l’Afrique et les Balkans, plus tard vers l’Amérique Latine et ses dictateurs. Le troisième des mots-clés, enfin, sera “la paix”, dont ils découvriront au fil de leur engagement, qu’elle est de plus en plus menacée et de plus en plus fragile, bien au-delà de l’Italie. Vous l’aurez deviné : le Réseau de la Communauté de Sant’Egidio est né ! Ses jeunes créateurs confient leur destin à l’un des leurs, le jeune historien Andrea Riccardi, excellent connaisseur de la France et de l’Europe, aujourd’hui mondialement connu, et peut-être futur Prix Nobel de la Paix. Ils se feront “inventeurs de paix”. Ils le sont aujourd’hui plus que jamais.
Qu’on les appelle “inventeurs”, “créateurs”, voire “constructeurs” de paix, on doit en même temps à la vérité de l’histoire de rappeler qu’avant mai 68, ils furent également nombreux, hommes et femmes, croyants et incroyants, à ouvrir des chemins de réconciliation après l’abominable désastre humain des deux guerres mondiales successives. De Gasperi en Italie, Henri Spaak en Belgique, Maurice Schumann en France, et bien d’autres furent de ceux que le pape François appelle des « semeurs de changement1 ».
Or, qui pourrait douter un seul instant que nous n’ayons pas besoin de “semeurs de changement” et plus encore de constructeurs de nouveaux ponts entre les peuples et de nouveaux chemins entre tous les pays du monde ? Car, oui, la situation de plus en plus inquiétante de notre monde donne plus que jamais à penser que la paix est à nouveau gravement menacée. Elle l’est en effet. Mais, de même qu’elle a trouvé hier des hommes et des femmes pour la reconstruire, de même aujourd’hui et demain l’humanité que nous formons ensemble se rappellera d’instinct que la porte du bonheur auquel elle aspire envers et contre tout n’est autre que la paix. Au cœur du cœur des humains, la paix lance un appel incessant à ses constructeurs, inventeurs, créateurs, qu’importe ! Aujourd’hui, elle nous demande instamment, à tous et à chacun, d’ouvrir ensemble, dans notre diversité, de nouveaux chemins de paix, ou de construire des ponts plutôt que des murs. Car oui, il y a urgence. A nos côtés, sur la route tortueuse où nous sommes de plus en plus invités à marcher, le pape François veille, prévient et nous encourage :
« Attention à la tentation d’être des retraités précoces » 2
« Les réfugiés sont nos frères. Le chrétien n’exclut personne » 2
« Notre réponse à ce monde en guerre a un nom : la fraternité »2
« En cette période difficile, où tant de tissus de cohabitation se déchirent peu à peu dans les périphéries des grandes villes et où s’élèvent des murs non seulement entre l’Europe et l’Afrique pour se défendre des migrants, mais aussi entre pays européens, il est nécessaire de reconstruire ensemble des ponts de paix. » C’est en ces termes que le président de la communauté de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo, a décrit le contexte de la Rencontre internationale du Cinquantenaire qui rassemble, du 14 au 16 octobre 2018, dans la ville de Bologne, plus de trois cents responsables des religions, du monde de la culture et des institutions, ainsi que des milliers de participants venant de toute l’Europe et qui est, à juste titre, intitulée « Ponts de Paix ». Le site de Chrétiens de la Méditerranée ne manquera pas de faire écho à cet événement et de publier l’Appel à la Paix qui y sera lancé.
Un grand bravo et nos vœux fraternels de bon anniversaire à nos compagnons de route de Sant’Egidio sur les chemins de la paix, où vous êtes conviés à nous rejoindre nombreux. Nous pouvons, nous devons tous participer à la construction de ponts de paix, ici et ailleurs. Partout où cela est possible et nécessaire. Il y a urgence !
Jean-Claude Petit
Président d’honneur de Chrétiens de la Méditerranée
(1) Pape François, Politique et société, Editions de l’Observatoire, p. 116
(2) ib., p. 400
Photo : cérémonie de clôture de Paths of Peace (Chemins de paix) 2017 organisée par Sant’Egidio à Münster (Allemagne) – © Points comme Un