Le journal suisse Le Temps évoque l’émigration à bas bruit d’une partie de la population israélienne, convaincue que l’atmosphère de violence diffusée depuis des années par l’actuel Premier ministre d’Israël et désormais promue par Donald Trump, son soutien inconditionnel, ne permettra pas à leurs enfants de vivre de manière épanouie en Israël.
Cet article, publié le 8 février 2025, modifié le 10, montre que c’est l’idée même de démocratie que nombre d’Israéliens estiment être mise en péril. Le mouvement d’émigration de la population juive libérale ou penchant à gauche d’Israël n’est pas un fait nouveau, mais cet article montre qu’il s’est accéléré dès 2022, quand l’actuel gouvernement a affirmé son orientation suprémaciste. Les manifestations contre la réforme de la Cour suprême voulue par le Premier ministre n’ayant obtenu aucun résultat, est apparue dans ces milieux une attitude de rejet, qui s’est développée avant même que n’éclate l’actuelle guerre de Gaza en 2023. Après quelques témoignages, l’auteur, Isabelle Mandraud, avance :
A bas bruit, l’exil se développe. Les départs atteignent même des records. Selon les données du Bureau central des statistiques (BCS) publiées en décembre 2024, 82 700 Israéliens ont ainsi quitté le pays, et pas seulement à cause de la guerre. “Il est important de comprendre que ces chiffres reflètent des Israéliens partis en 2023, mais qui n’ont été classés comme émigrants qu’en 2024. (…) Et, toujours selon ce rapport, seulement 24 000 Israéliens sont revenus en 2024. Cet écart représente donc un changement radical par rapport à la décennie précédente.”
Les réseaux sociaux témoignent aussi du phénomène, avec la multiplication des sites consacrés à l’obtention de visas. Paphos, à Chypre, a un rôle de plaque-tournante, du fait de sa proximité avec Israël et de l’appartenance de la république cypriote à l’Union Européenne. L’auteur poursuit :
(…) la guerre n’est pas le seul moteur de cet exode. “Ceux qui partent sont plus effrayés par la situation politique, ils ne sont pas optimistes sur le futur et ils pensent à leurs enfants. De fait, ils cherchent souvent une seconde nationalité. Je crois que le poids de la religion dans le pays joue beaucoup dans leur décision, qu’ils prennent parfois en deux semaines, sans attendre davantage.”
Les destinations privilégiées des candidats à l’expatriation sont les États-Unis et la Grèce, celle-ci en raison de sa proximité. Un cabinet d’avocats spécialisés dans l’obtention de visas précise :
“Dans le domaine du high-tech, la demande est très forte pour travailler à distance depuis l’étranger, soit pour prolonger des missions déjà en cours, soit pour s’installer. Des entreprises cherchent à retenir leurs salariés, mais parfois ceux-ci décident de s’expatrier à leurs frais.” (…) Les candidats au départ, précise encore l’avocat, “viennent de partout dans le pays, et cela concerne des familles entières”.
La trêve conclue à Gaza restant précaire, sa mise en place n’a pas eu d’influence sur l’ampleur des départs. Car la reprise de la guerre reste toujours une éventualité, peut-être imminente. Une personne interrogée par l’auteur évoque les résultats des élections israéliennes à venir : “Si rien ne change (…) il y aura encore plus de monde pour partir.” Mais si cette émigration se poursuit, le corps électoral risque de tendre encore plus vers l’extrême-droite, en une boucle qui rend plus vraisemblable une recrudescence des départs.
Article original (réservé aux abonnés) : https://www.letemps.ch/monde/en-israel-une-emigration-sans-precedent-si-rien-ne-change-aux-prochaines-elections-il-y-aura-encore-plus-de-monde-pour-partir