Il est des mots qui tentent d’appréhender le réel, d’autres qui permettent de nous en échapper. Il y a les mots du rêve et les mots de la vie. Les mots de la lucidité et du courage et les mots de la dissimulation ou de l’hypocrisie. Sans doute faisons-nous tous usage des uns et des autres au gré des circonstances. Il n’existe, en la matière, aucune assurance de perfection. Nous naviguons tous sur les eaux plus ou moins tumultueuses du langage, appliqués que nous sommes à faire se rapprocher « les mots et les choses » selon le titre donné à l’un de ses grands livres par le philosophe Michel Foucauld. Exercice interminable qui meuble nos vies entières !
Sauf que certaines professions ou, si l’on préfère, certaines vocations ont, en la matière, plus d’exigences à respecter et donc plus de responsabilités à assumer. Ce sont les professions qui ont directement à voir avec la construction du « vivre ensemble des citoyens », le nouveau nom du traditionnel « bien commun ». Pour celles-là, la tâche, par nature, consiste à faire s’éloigner le moins possible les mots de la réalité. Telle est, entre autres, la mission propre – et souvent difficile – des politiques et des journalistes.
Les uns et les autres ont, en effet, la charge éminente de fournir, à leurs concitoyens, les éléments de langage qui les aideront à comprendre le monde dans lequel ils vivent et à y construire la paix. Une charte éthique, rédigée par l’Unesco dans l’après-guerre, précise aux médias leurs devoirs en la matière.
Hélas, trois fois hélas, les mots de la violence l’emportent chaque jour un peu plus sur les mots de paix, que ce soit dans l’arène politique mondiale, sur de trop nombreux écrans de télévision ou sur les réseaux sociaux. Conséquence : dans un monde où fleurissent les boucs émissaires, les slogans et les approximations, les mensonges et les contre-vérités, les suspicions et les calomnies, beaucoup de nos concitoyens ne comprennent plus où ils en sont ni où ils vont. Et ils ont peur. La paix leur paraît, chaque jour un peu plus, inaccessible.
La seule façon d’apaiser ces peurs est d’avancer ensemble, avec les mots de la paix, dans l’explication et la compréhension du monde chaotique dans lequel nous vivons. Ne prendre ni le temps ni les moyens d’expliquer c’est prendre le risque d’aller vers une forme d’obscurantisme qui conduit au repli sur soi et au mépris des autres, voire à la haine.
« Face à la peur, le savoir est essentiel » écrivait, en juillet dernier, une sociologue girondine (1). À la transmission objective, complète et pacifiée de ce savoir, s’emploient de plus en plus, aujourd’hui, les meilleures compétences pédagogiques à travers l’enseignement du fait religieux mondial. Chrétiens de la Méditerranée, le réseau citoyen des acteurs de paix, dont Pax Christi est co-fondateur avec l’Œuvre d’Orient et l’Institut catholique de la Méditerranée (ICM) de Marseille travaille à un projet en ce sens. Pour tout renseignement, n’hésitez pas à nous écrire par l’intermédiaire du Journal de la paix.
Ensemble, mettons, nous aussi, les mots au service de la paix !
Jean-Claude Petit
Président de Chrétiens de la Méditerranée, le réseau citoyen des acteurs de paix
(1) Sud-Ouest, 23 juillet 2016