La France qui accueille

Trois livres, un même sujet : les migrants (3/3)

Ne nous leurrons pas : il ne se passera plus un jour sans que nos consciences soient apostrophées par un fait d’actualité lié à ce qu’il est convenu d’appeler la « crise des migrants ». L’expression est doublement malheureuse. D’une part, le mot « crise » laisse entendre que nous vivons le moment paroxystique d’une séquence appelée à se stabiliser, voire à s’estomper. Alors que non, nous sommes à l’aube d’une nouvelle société, d’une autre civilisation, d’une autre façon d’envisager le monde. D’autre part, « des migrants » peut sous-entendre que ceux-ci sont les fauteurs de ladite crise, alors qu’ils sont la conséquence de faits préalables (guerres, famines, dictatures), dont ils sont, à tout le moins, les victimes.

Par rapport à toutes ces questions inédites, les réponses traditionnelles du droit, de l’économie, du social, se révèlent inopérantes. Elles peuvent même apparaître illégitimes. Faut-il respecter la loi quand elle est manifestement contraire à la dignité humaine, ou si contraire à nos consciences ? Faut-il donner la primauté au droit national, alors que les déplacements de populations ignorent autant les frontières terrestres que les oiseaux migrateurs ?

C’est la raison pour laquelle il faut lire en même temps tous les livres. Ceux qui convoquent la géographie et ceux qui témoignent de comportements individuels guidés par l’éthique, ceux qui traitent le sujet par l’Histoire ou la sociologie. Commençons par ces trois :
– La France qui accueille (recension à lire ci-dessous).
– L’Atlas des migrants en Europe : approches critiques des politiques migratoires (recension à lire ici).
– La voix de ceux qui crient : rencontre avec des demandeurs d’asile (recension à lire ici).

La France qui accueille est l’œuvre de Jean-François Corty¹, directeur des opérations internationales à Médecins du Monde², et Dominique Chivot, journaliste spécialisé en migrations, qui milite depuis plusieurs années à la Cimade³. En opérant un tour du pays de l’hospitalité, les deux auteurs dressent une galerie de portraits de concitoyens qui refusent les fatalités selon lesquelles « il n’y a plus assez de place », ou « qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Ils montrent des personnes qui n’hésitent pas à braver la loi quand elle interdit d’aider son prochain⁴.

Mais la recension n’est pas close. Nul ne peut prétendre détenir la vérité dans cette tragédie. Cependant, une chose est sûre : nous ne pouvons pas laisser nos consciences s’assoupir. L’Histoire nous jugera. « Ce que vous faites au plus petit d’entre nous, c’est à moi que vous le faites »⁵. Nul besoin d’être croyant pour adhérer à cette parole à portée universelle.

Toutes ces lectures nous aident à nous tenir éveillés, à structurer notre pensée. Elles ne nous dispensent pas d’agir.

François Le Brun