Titre
Archéologie du judaïsme en FranceAuteur
Paul SalmonaType
livreEditeur
Paris : La Découverte, 2021Collection
Archéologies de la FranceNombre de pages
173 p.Prix
23 €Date de publication
15 mai 2022Archéologie du judaïsme en France
A l’heure où ressurgissent des propos ou des allégations antisémites, la parution de ce tome de la collection “Archéologies de la France” est tout à fait opportune. Avec cet ouvrage, Paul Salmona – depuis 2013, directeur du Musée d’art et histoire du Judaïsme à Paris – contribue à combler des lacunes manifestes dans l’histoire de France.
L’auteur met en exergue le fait que des enseignants célèbres tels Albert Malet (1864 -1915) et Jules Isaac (1877-1963) pour l’enseignement primaire, et Ernest Lavisse (1842-1922) pour le supérieur, ont ignoré le judaïsme dans l’épopée nationale. C’est aussi vrai de très grands médiévistes tels Marc Bloch (1886-1944) ou Jacques Le Goff (1924-2014) dont les ouvrages laissent “les juifs toujours hors champ.”1
En présentant le bilan des recherches historiques et des fouilles archéologiques conduites récemment sur l’ensemble des départements métropolitains, Paul Salmona met en lumière comment au fil des siècles des juifs furent présents sur le sol français, particulièrement au Moyen- Age.
Les chercheurs, et à leur suite les curieux, découvrent les indices de cette présence : des vestiges d’oratoires ou de synagogues, des toponymes, des inscriptions laissées sur les murs des habitations, des salles aménagées en bains rituels, des dalles ou des stèles funéraires, des cimetières enfin.2 Synagogues et cimetières indiquent comment des juifs se sont installés le long des axes de communication (Rhin, Rhône) et dans les zones urbaines.
De nombreuses illustrations photographiques, des croquis et des cartes géographiques rendent compte de l’important travail archéologique réalisé depuis les années 1990, notamment dans le cadre du programme de fouilles préventives menées sur l’ensemble du territoire national.
Selon ses préférences, le lecteur aura la possibilité de s’attarder sur l’une ou l’autre des séquences proposées au sommaire : “Antiquité et début du Moyen Age”, “Dans la France du Moyen Age”, “Les communautés sous l’Ancien Régime”, “Les juifs en France de l’Emancipation à la Seconde guerre mondiale”, “De la Shoah à nos jours“.
Retenons que l’oubli dénoncé par l’auteur résulte essentiellement du bannissement prononcé à l’encontre des juifs de France par les Capétiens et les Valois.3 L’expulsion des juifs a été maintenue par le Bourbon Louis XIII en 1615. La discrimination n’a été abolie que le 27 septembre 1791 par l’Assemblée Constituante.
Là où ont résidé familles et communautés juives, sont demeurés témoignages et vestiges qu’il convient de mettre en valeur : ils appartiennent au patrimoine national.
C‘est le cas en Avignon et dans le Comtat Venaissin en 1274 ; en Aquitaine après l’expulsion des juifs d’Espagne (1492) et du Portugal (1497) ; en Lorraine après la prise de Metz par Henri II en 1552 ; en Alsace à la fin de la guerre de 30 ans (1618-1648).
A titre d’exemples parmi tant d’autres, citons les “cabussadous“ – terme provençal désignant le bain rituel ou mikvé – dans le Vaucluse, à l’Isle-sur-la-Sorgue ou à Carpentras. Mentionnons également les deux cimetières juifs de Peyrehorade (Landes)4, et enfin le grenier synagogue de Traenheim dans le Bas Rhin.5
Marc Ameil
1 “Sans que cette omission procède d’arrière-pensées antisémites ou d’un quelconque ostracisme, cette ellipse s’inscrit dans une école historiographique qui perçoit la présence juive comme un fait trop marginal pour en faire une donnée constitutive de la société étudiées.” (p. 82)
2 En pages 88 et 89, deux intéressantes cartes illustrent la présence diffuse des synagogues et des cimetières juifs sur l’ensemble du territoire, à l’époque médiévale particulièrement.
3 Les rois très chrétiens Philippe II Auguste, en 1182, Philippe IV le Bel, en 1306, et enfin, Charles VI, en 1394 sans oublier le très saint Louis IX.
4 En savoir plus sur Peyrehorade