Atlas de l’Egypte contemporaine

Cet atlas de l’Égypte contemporaine, que publient les éditions du CNRS, a été rédigé sous la direction de Hala Bayoumi, ingénieur de recherches au CNRS (dont elle a obtenu en 2017 la « médaille de cristal ») et Karine Bennafla, professeur de géographie à l’Université de Lyon III, Jean Moulin, qui a dirigé pendant quatre ans le CEDEJ en Egypte (de 2015 à 2019).

Il présente l’originalité d’être réalisé en partenariat entre le CEDEJ¹ qui est une unité de recherche française en Egypte dotée notamment d’un pôle « humanités numériques » employant de très compétents spécialistes égyptiens – qui ont contribué à rédiger les notices de l’atlas-, et l’institut égyptien de statistiques, le CAPMAS (proche de notre Insee).

C’est une riche approche de géographie humaine et sociale, économique et politique, culturelle et religieuse, que nous permet cet ouvrage, qui réunit les données les plus récentes et analyse en profondeur les évolutions et enjeux qu’affronte l’Egypte, près de 10 ans après la révolution de 2011. Enrichi de nombreuses cartes, de graphiques, de photos, l’ouvrage prend le parti de développer sur deux pages chaque présentation des thèmes traités, regroupés en six chapitres : « Géohistoire et géopolitique », « Vie politique », « Société et démographie », « Le Grand Caire », « Les provinces égyptiennes », « Économie et environnement », « Culture et patrimoine ».

La variété des sujets traités est grande, et le lecteur pourra opter soit pour une lecture continue, soit pour un chemin de lecture personnalisé, au gré de ses centres d’intérêt et de sa curiosité : en privilégiant les questions historiques et politiques, ou l’aménagement urbain et l’architecture, ou l’économie et les questions agricoles, ou bien les identités religieuses et les questions culturelles.

Citons toutefois comme « incontournables » les données et analyses réunies dans la partie 3, « Société et démographie », qui aborde le sujet de la démographie, de la nuptialité et de la sexualité, de la jeunesse égyptienne, de la scolarité et de la santé, mais aussi des coptes « constitutifs de l’identité égyptienne » (pp. 62-63).

Parmi les questions majeures que ce précieux atlas permet d’appréhender, la question de l’eau apparaît cruciale. Selon les auteurs, l’Egypte doit se préparer à la fin de l’abondance en eau (ils en fixent le terme en 2030) sous l’effet conjugué de la pression démographique et de l’extension urbaine (avec la pollution qu’elle entraîne) et des prélèvements effectués en amont par les voisins de l’Egypte, et d’abord l’Ethiopie. Les modes de développement urbain (organisé ou informel) et agricole sont donc en cause.

Le maintien d’un taux de fécondité très élevé, la dégradation continue de l’enseignement public, les défis en matière de santé et le désenchantement des jeunes sur fond d’un taux de pauvreté préoccupant (au moins 35% de la population), soulignent les déséquilibres sociétaux du pays. Et la politique actuelle de grands travaux, le néo-libéralisme économique, l’utilisation des atouts stratégiques du pays (doublement du canal de Suez), qui ne sont pas sans conséquences sur l’environnement, ne semblent pas à même de répondre aux fragilités structurelles de l’Égypte.

Cet atlas est destiné au grand public, et notamment égyptien : sa traduction en arabe et en anglais est prévue. Il sera indispensable à ceux qui veulent mieux connaître et comprendre les évolutions et les enjeux de ce très ancien Etat-nation, cette « puissance aux pieds de sable «  (K. Bennafla), l’Egypte au cœur de la Méditerranée.

Bertrand Wallon²

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