Avec les Kurdes : ce que les avoir abandonnés dit de nous.

Militaire, navigateur, pilote d’avion, cinéaste, Patrice Franceschi¹, 67 ans, est un écrivain qui n’hésite pas à mettre sa plume au service des causes humaines sur les cinq continents de la planète. Dans les années 80, en Afghanistan, sous occupation soviétique, il avait ainsi rejoint les forces afghanes contre l’armée rouge. Dès le début des années 2010, il s’engage de nouveau sur la question kurde, notamment ceux de Syrie, dont il raconte l’histoire dans un roman intitulé S’il n’en reste qu’une, paru chez Grasset (voir la recension ci-contre), et dans ce petit essai de 61 pages présenté ici.

Avec les Kurdes est un texte court mais dense, qui décrit tout le dramatique combat mené par les Kurdes syriens contre les combattants de l’État islamique.

Dans cette province syrienne du Rojava, située au nord et à l’est du pays, et qui comprend les trois cantons kurdes d’Afrin, de Kobané et de Djézireh, les bataillons masculins de l’Unité de protection du peuple (YPG) et ceux de l’unité de la protection des femmes (YPJ) ont, entre 2014 et 2019, résisté : ils ont contenu et vaincu les bataillons de Daech, formés de combattants venus du monde entier².

Dans son essai, l’auteur décrit ces combats acharnés, au corps à corps, inhumains, et le courage de ce peuple kurde, notamment celui de ces femmes du YPJ, qui ont démontré dans cette guerre, qu’elles n’avaient rien à envier à leurs homologues masculins.

Les Kurdes, peuple martyr, à la fois uni et disparate, que l’on retrouve en Turquie, en Syrie, en Irak et en Iran³, courageux à l’extrême, mais qui ont tant de mal à se fédérer pour se faire entendre de la communauté internationale.

Durant cinq années, les Kurdes de Syrie se sont battus pour préserver leurs droits, leur terre, leur culture contre l’Etat islamique, sa loi musulmane, la charia⁴, et ses règles d’un autre âge, où la laïcité est interdite et où les femmes n’ont pas leur place.

Si Patrice Franceschi détaille les combats, notamment la libération de Kobané en janvier 2015⁵, reconquise maison par maison par les YPG, il s’étend aussi longuement sur la trahison de l’Occident, qui après avoir utilisé les Kurdes pour vaincre l’État islamique, les abandonne aux mains de l’armée turque en 2019. Lâchés et trahis par cet Occident, qui leur avait pourtant promis de soutenir la construction d’une province kurde fédérale en Syrie. Les islamistes vaincus, les Américains et les Français se retireront de toute la partie ouest du Rojava, immédiatement occupée par l’administration turque.

Une fois encore, les Kurdes sont les grands perdants de l’histoire⁶, comme ils l’ont toujours été en Turquie, en Irak, en Iran. Le sous-titre de ce petit livre interroge : que dit de nous cet abandon ? Pour Patrice Franceschi ce lâchage signifie que l’Occident préfère la sécurité à la liberté. Un manque d’engagement et de courage que l’auteur qualifie de “temps post-héroïque.”

Luc Balbont

Administrateur de CDM

Notes de la rédaction