Titre
Ce grand dérangementSous titre
L’immigration en faceAuteur
Didier LeschiType
livreEditeur
Paris : Gallimard, 2020Collection
Tracts ; n° 22Nombre de pages
56 p.Prix
3,90 €Date de publication
15 août 2021Ce grand dérangement
Gallimard propose une petite collection de livres de 60 pages pour aborder des sujets pointus, confiés à de bons auteurs : ici le dossier très sensible des migrants est traité par le directeur de l’OFII, Office français de l’immigration et de l’intégration1.
De manière très pédagogique, Didier Leschi explique pourquoi il y a tant d’arrivées de migrants en Europe. Il commence par quelques définitions et quelques faits : il faut distinguer par exemple le droit d’asile de la migration économique. Il faut aussi prendre en compte les phénomènes démographiques : une nouvelle pression vient d’Afrique, qui comprendra 2 habitants de la planète sur 5 en 2100. Les transports ont facilité la mobilité, même si les derniers kilomètres doivent être franchis sur des bateaux à la merci des passeurs. 70% des migrants viennent de cinq pays, la Syrie, le Venezuela, l’Afghanistan, le Sud-Soudan, la Birmanie.
La question se pose alors : pourquoi autant de personnes veulent-elles venir en Europe ? C’est, avec les États-Unis, la destination la plus prisée. Tout y semble plus facile et la prise en charge est très large. Pourquoi vient-on en France ? L’histoire pèse son poids : les descendants des colonisés reviennent aux origines.
Une deuxième partie mène l’auteur à s’interroger sur les raisons et les moyens d’accueillir ceux qui se présentent aux frontières. Le migrant va d’abord dans un pays où on peut l’accueillir, à cause de la langue, du taux de chômage, des institutions d’intégration, etc. La dérégulation libérale anglaise attire plus que les règlements français. En 2019, la France a pourtant accordé 274 000 titres de séjour. C’est d’abord une fuite des talents, mais il y a aussi beaucoup d’étudiants, dont un tiers resteront. C’est ensuite le regroupement familial.
Le passage d’un monde à l’autre est toujours difficile, avec un choc culturel. Mais les changements dans la communication ont transformé les transitions parce que le lien avec l’origine est longtemps conservé, par exemple en matière religieuse, à cause d’internet.
Un autre facteur de l’intégration porte sur la proportion d’immigrés, environ 10% en France aujourd’hui, ce qui est deux fois plus qu’en 1930, 50% venant d’Afrique, avec une concentration dans certaines villes. A Aubervilliers ou La Courneuve, un habitant sur deux est immigré. Des ghettos sont apparus, ghettos urbains ou ghettos scolaires. Le paysage urbain évolue, des mosquées apparaissent. Des jeunes issus de l’immigration ne trouvent plus de formation ni d’emploi. La cohabitation devient compliquée. La machine à intégrer est grippée. La disparition de quantité de corps intermédiaires a rendu difficile l’intégration.
Entre le réel et l’utopie, il faut trouver les voies possibles. Didier Leschi reprend les quatre tâches de l’immigration selon le pape François : il faut “accueillir, protéger, promouvoir, intégrer” 2. Dans un plaidoyer pro domo, l’auteur souligne que pour la politique d’accueil, la France n’est pas si inactive qu’on le dit, notamment par des formations et des financements individuels. Un effort énorme a été fait pour l’hébergement. Pour la protection santé, l’État prend en charge tous les frais. Quant à la promotion, il a donné la nationalité française à 100 000 ou 150 000 personnes par an.
Mais jusqu’où aller ? Peut-on considérer que tous ceux qui sont ici “sont d’ici” ? La France reconduit dans leur pays d’origine quelque 30 000 personnes par an. Le clandestin conserve des droits, certes incomplets. Des aides sont prévues pour le retour.
Rien n’est arrangé par les politiques européennes que l’auteur traite de “fantômes”. Il faudrait un consensus entre les différents pays, ce qui n’existe pas ; les traditions sont différentes, la reconnaissance automatique mutuelle des décisions ne fonctionne pas et la confiance n’existe plus. La conclusion s’impose, celle de l’auteur :
“Il importe de faire front en gardant et son calme et son courage.” 3
Pierre de Charentenay
Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (ICM)
1 Note de la rédaction :
Voir sites de l’OFII, Office français de l’immigration et de l’intégration et de l’OFPRA, Office français de protection des réfugiés et apatrides
2 cf. Discours du pape François aux participants au Forum international « Migrations et paix. » (21 février 2017) et Message du pape François pour la journée mondiale du migrant et du réfugié (14 janvier2018) : « Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés »
Voir aussi le programme d’hospitalité et d’hébergement temporaire du réseau jésuite JRS Welcome et la recension du livre de Véronique Albanel, présidente du réseau JRS France, en cliquant sur La fraternité bafouée
3 Sur les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, on pourra lire sur notre site plusieurs recensions, notamment : Je suis partie pour vivre ; Sur le fil de l’asile ; La grâce de l’hospitalité ; Accueillir l’étranger : le chantier des migrations ; Vaincre nos peurs et tendre la main ; La fin de l’hospitalité : l’Europe terre d’asile ? ; Le courage de l’hospitalité ; L’étranger qui vient : repenser l’hospitalité ; La fraternité bafouée ; Osons la fraternité ! ; Atlas des migrants en Europe ; Migrations en Méditerranée ; La condition de l’exilé : penser les migrations contemporaines ; Exode, exil, déportation : les migrants et Dieu… etc.
Et, parmi les Regards : Olivier Brachet – Comment « apprécier » notre problème d’immigration, et, dans l’actualité notée le 28/04/2021, informations de SOS Méditerranée : Nouveau naufrage meurtrier de migrants en Méditerranée.