Recension

Titre

Chrétiens de Gaza

Auteur

Christophe Oberlin ; photographies de Serge Nègre

Type

livre

Editeur

Paris : Erick Bonnier, 2017

Collection

Collection : Encre d’Orient

Nombre de pages

201 p.

Prix

20 €

Date de publication

9 février 2018

Chrétiens de Gaza

 

Le professeur Christophe Oberlin, familier de Gaza où il fait régulièrement des missions de formation comme chirurgien depuis près de 20 ans, nous offre ici un autre regard sur Gaza, cette partie de la Palestine dont la seule évocation fait penser à « camps des réfugiés » et « terrorisme » dans bien des esprits.

Son projet de faire connaître au public la petite minorité chrétienne de Gaza lui permet de donner un autre éclairage sur cette partie de la Palestine. Gaza a, en effet, une riche histoire dont bien peu d’Occidentaux ont idée.

Le premier mérite de ce livre est donc de nous brosser avec un certain détail l’histoire de cette région : située sur la route entre la Syrie, la Mésopotamie et l’Egypte, cette zone de passage garde la trace d’épisodes politiques et culturels brillants[1], aujourd’hui recouverts par la pauvreté et la déréliction de près de deux millions d’habitants, réfugiés là depuis 1947 et littéralement emprisonnés, Israël et, plus récemment, l’Egypte ayant fermé les frontières après la victoire électorale du Hamas en 2006.

En réalité, on a beaucoup à apprendre sur Gaza et même le passé chrétien de cette région, où les fouilles archéologiques entreprises par l’Ecole biblique de Jérusalem[2] après les accords d’Oslo ont dégagé des restes superbes de basiliques byzantines et de monastères. Hilarion, Porphyre, Barsanuphe, Dorothée, pour ne citer que quelques-uns des Pères du désert présentés par Oberlin, sont des témoins du christianisme florissant à Gaza entre le 4e et le 6e siècle. Les chantiers archéologiques récents à Gaza ont permis d’enrichir ce que l’on savait déjà un peu par les textes que nous a transmis la tradition de l’Eglise.

Puis, vint l’islam, qui coexista assez harmonieusement avec le christianisme au point que des lieux de culte furent même partagés entre chrétiens et musulmans aux VIIe-VIIIe siècles. Des croisades aux mamelouks et à Napoléon, Gaza reste encore une terre de transit, chaque épisode laissant sa trace. La véritable rupture a lieu en 1947, avec la nakba[3], qui voit affluer les réfugiés palestiniens, condamnés depuis à vivre dans des camps.

Ayant situé avec un certain détail le contexte historique, géographique et culturel, l’auteur brosse un tableau de la petite communauté chrétienne de Gaza : entre 1500 et 2000 fidèles, seulement, majoritairement grecs-orthodoxes[4], mais qui vivent plutôt bien intégrés à la population majoritairement musulmane dont ils partagent le sort. A une nuance près, peut-être, les chrétiens ont un niveau d’éducation plus élevé, grâce aux nombreuses écoles confessionnelles qui depuis des décennies scolarisent les enfants malgré les malheurs politiques de cette partie de la Palestine.

Plutôt que de faire une étude abstraite, l’ouvrage s’appuie sur quantité d’exemples concrets de personnes ayant accepté de répondre aux questions de l’auteur, ce qui donne au total un témoignage très vivant et actuel. Aujourd’hui, la population chrétienne est très peu nombreuse mais elle ne se dit guère persécutée par la population musulmane. En revanche, les chrétiens souffrent, comme les musulmans, des mêmes maux : les restrictions de circulation, le manque d’électricité, un chômage endémique, très élevé, toutes réalités qui sont le fruit d’un problème politique et non d’une discrimination religieuse comme le croit une opinion publique mal informée.

A travers ce coup de projecteur sur les chrétiens de Gaza, l’ouvrage de Christophe Oberlin a donc le grand mérite de dresser un tableau vivant, bien informé et actuel, d’une région de Palestine trop souvent évoquée seulement sous la rubrique du terrorisme et de la misère.

Gaza vit, ne demande qu’à vivre et l’on reste émerveillé de la capacité de résilience de sa population. Une leçon de vie.

Un ami de Chrétiens de la Méditerranée

[1] « Gaza souveraine et riche, convoitée depuis plus de 3000 ans » lire, dans La Croix du 08/02/2018, la chronique de Frédéric Boyer : Les oiseaux de Gaza

[2] Ecole biblique et archéologique française, de Jérusalem

[3] Cf. La Nakba c’est la catastrophe qu’a représentée l’exode palestinien de 1948 . Le jour de la Nakba est une commémoration des événements de 1948 qui ont mené à la défaite arabe et au déplacement de la population palestinienne. Il est généralement célébré le 15 mai, le jour de l’indépendance d’Israël. Cf. aussi le livre de Thomas Vescovi : La mémoire de la Nakba en Israël

[4] Qui sont les grecs-orthodoxes ?