Recension

Titre

La condition de l'exilé

Sous titre

Penser les migrations contemporaines

Auteur

Alexis Nouss

Type

livre

Editeur

Éditions de la Maison des sciences de l'homme, mai 2015

Collection

Interventions

Nombre de pages

175 p

Prix

12€

Date de publication

7 décembre 2016

La condition de l’exilé

 

 

En 2013, on estimait à 232 millions le nombre de migrants dans le monde (près de 3,4 % de la population mondiale ; 57 millions de plus qu’en 2000), dont près de 17 millions de réfugiés ; réunis sur un seul territoire, ces migrants constitueraient le cinquième État le plus peuplé de la planète. Dans les pays européens en 2012, près de 4 % des résidents étaient considérés comme « étrangers » par Eurostat[1], c’est-à-dire citoyens d’autres pays que les pays de résidence, près de 11 % en France en 2013 selon l’Institut national de la démographie.

Les migrations humaines ont de multiples causes : guerres, persécutions politiques, ethniques ou religieuses, pauvreté, changements climatiques, etc. Mais face à tous ceux qui constituent les flux migratoires, notre regard, sans doute orienté par le discours politique et médiatique, oublie leur identité pour ne voir en eux que des « migrants » propres à alimenter les analyses statistiques socio-économiques officielles.

En utilisant diverses sources, littéraires (Kafka, Ovide, Hugo, Camus…), historiques ou philosophiques (Walter Benjamin, Levinas, Derrida, etc.) – cf. la très riche bibliographie de son livre -, Alexis Nouss, professeur de littérature générale et comparée à l’Université d’Aix-Marseille[2], nous livre ici un essai sans concession face à la déshumanisation du migrant : « le ‘migrant’ dessine une figure sans chair et sans ombre qui vient illustrer ou susciter une logique gestionnaire. » (p.14).

Alexis Nouss refuse de réduire celui qui échoue sur les plages de Grèce et d’Italie et frappe aux portes de l’Europe à un statut de migrant et propose de voir d’abord en lui un exilé.

Comprendre le migrant en tant qu’exilé permettrait de mieux l’accueillir et, en place d’un droit d’asile défaillant, d’esquisser les fondements d’un droit d’exil. (p.26 + 41-43).

Ce glissement sémantique permet à l’auteur de donner au migrant une véritable identité, celle d’un homme, chargé d’une histoire qui s’écrit souvent dans celle d’autres hommes mais aussi d’introduire les notions de condition exilique et d’ « exiliance » qu’il définit comme le « noyau existentiel commun à toutes les expériences de sujets migrants, quelles que soient les époques, les cultures et les circonstances qui les accueillent ou les suscitent. » (p.65).

En conclusion, l’auteur souligne la nécessité, pour la recherche en sciences humaines et sociales et pour la législation, « d’une même démarche à entreprendre pour habiliter la mobilité comme droit fondamental[3] de l’humanité et accorder à l’exil un plein statut à la fois identitaire et politique. […] La condition exilique est celle qui redonne son nom à l’exilé. » (p.162).

Réflexion philosophique et sociologique, La condition de l’exilé, s’adresse à un public averti mais il est aussi un plaidoyer passionné pour la cause de l’exilé.[4]

Francis Labes

[1] Service dépendant de la Commission européenne chargé de fournir de l’information statistique à l’échelle de l’Union Européenne.

[2] Il est responsable de l’initiative de recherche : Non-lieux de l’exil au Collège d’études mondiales à la Fondation Maison des sciences de l’homme, à Paris.

[3] Cf. p. 40 : « Le premier principe qu’avance la Cimade en 2011 pour «Inventer une politique d’hospitalité » – document consultable sur le site http://www.lacimade.org/inventons-une-politique-d-hospitalite-2/   – est celui du « Droit à la mobilité pour tous » : « La mobilité des êtres humains est un fait social normal, ordinaire, aussi nécessaire qu’irréductible…[…] Le droit à la mobilité englobe nécessairement la liberté de circulation et la liberté d’installation. » Ce principe est suivi du « Devoir de protection des demandeurs d’asile » qui ne ferait que « Respecter l’esprit et la lettre de la Convention de Genève sur les réfugiés, 1951 »

http://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2012/05/BROCHURE_40_PROPOSITIONS-DEF.pdf

[4] On pourra écouter la conférence (ou en regarder la vidéo) qu’Alexis Nouss a donnée à la BM de Lyon, le 13/01/2016, sur La condition de l’exilé : https://www.bm-lyon.fr/spip.php?page=video&id_video=853