Titre

Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun !

Sous titre

70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme

Auteur

Guy Aurenche

Type

livre

Editeur

Paris : Temps Présent, nov. 2018

Nombre de pages

147 p.

Prix

14€

Date de publication

25 juillet 2019

En savoir plus

Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun !

Pour ceux, très rares, qui ne connaîtraient pas l’auteur, rappelons que Guy Aurenche, catholique engagé, a consacré une partie importante de sa vie à promouvoir les droits de l’homme qu’il désigne dans sous ouvrage, sous l’appellation « droits humains »[1] , ce en tant qu’avocat d’abord, puis, dans les importantes fonctions qu’il a occupées à la tête de grandes ONG, comme le CCFD-Terre Solidaire[2]. Ce livre témoigne de cet engagement qui ne faiblit pas.

Parce qu’il a été avant tout, comme il le revendique, un acteur de la cause des droits humains, Guy Aurenche indique d’emblée qu’il souhaite rendre hommage à tous les hommes et les femmes, rencontrés autour de la planète, qui  mènent un combat quotidien souvent âpre pour la reconnaissance de la dignité humaine : Wan Jin, responsable d’une ONG en Chine dédiée à la défense des personnes handicapées ; de jeunes Birmanes de l’ethnie Katchin se formant pour devenir des actrices de développement ; un groupe de femmes au Congo qui militent pour construire et animer un centre d’accueil de femmes violées…

On perçoit immédiatement que Guy Aurenche se sent proche, avant tout, de « ces pratiquants des droits humains innombrables à travers le monde » auprès desquels il a forgé ses convictions. Au cœur de celles-ci, une idée centrale qu’il formule dès l’introduction de son ouvrage : les droits humains constituent une boussole destinée à « nous aider à nous poser les bonnes questions et à dessiner, ensemble, des voies navigables en accord avec la dignité ». Citant René Cassin[3], il proclame : « C’est un phare d’espoir pour les êtres humains humiliés et mal traités et pour les peuples avides de justice ».

Guy Aurenche a choisi son camp. Pour lui, les droits humains sont indéniablement à vocation universelle. C’est à leur aune que doivent être évalués, non seulement les institutions judiciaires, mais l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés nos sociétés, qu’ils concernent la bioéthique, la tourmente écologique, la financiarisation de l’humanité, le respect des droits économiques, les mouvements migratoires, car, selon lui, « la dynamique des droits humains propose des chemins raisonnables, solidaires, pragmatiques… ».

À l’objection avancée par le philosophe Marcel Gauchet qui considère que « les droits de l’homme ne sont pas une politique » et ne sauraient constituer « notre seul espoir »[4] , Guy Aurenche réplique que toute politique ne saurait pour autant s’écarter « de la boussole que constituent les droits humains ».

Il confronte ensuite cette « étonnante espérance » que représente, selon lui, les droits humains, aux grands courants spirituels – christianisme, judaïsme, islam – et philosophiques tels que la philosophie des Lumières[5].

C’est à ce stade que la démonstration qu’il conduit, interroge, car sa conception des droits humains prend parfois les apparences d’une sorte de métaphysique, de philosophie première : « Toutes les philosophies sont concernées, de même que toutes les religions, à condition que celles-ci acceptent d’être affectées, enrichies par ce que les droits humains nous proposent » proclame-t-il[6].

Guy Aurenche repousse, à cet égard, un peu rapidement les objections sur l’universalité des droits humains, en affirmant que celles-ci émaneraient très souvent, selon lui, de dictateurs cherchant à légitimer un pouvoir usurpé à leur peuple ; alors même que plusieurs des partisans convaincus de ces droits soutiennent, au contraire, qu’ils comportent une part irréductible de relativité qu’on aurait tort de négliger parce que s’ils étaient déclinés de manière plus harmonieuse avec les sociétés et les cultures  qui souhaitent les accueillir, les droits humains verraient leur efficience démultipliée[7].

Il ne s’agit pas d’un débat purement théorique car il est permis de se demander si, en assignant aux droits humains un rôle aussi radical que le propose Guy Aurenche, on ne risque pas d’affaiblir leur efficacité concrète en en faisant une proclamation vague et rituelle, alors qu’ils constituent, avant tout, une arme juridique précieuse au service de la dignité humaine.

Les droits humains représentent un incontestable progrès de la démocratie avec laquelle ils ne sauraient toutefois être confondus, dans leurs rôles et leurs objectifs respectifs.

Ce débat essentiel mérite d’être approfondi dans l’intérêt même de la cause des droits humains.

Bernard Ughetto

 

[1] L’auteur précise qu’il a choisi, non sans hésitation d’ailleurs, de se rallier à cette nouvelle dénomination de ce qu’on nomme plus classiquement « les droits de l’homme », en considération de la lutte pour l’égalité des sexes qui traverse aussi le langage.

[2] Pour en savoir plus sur le CCFD, cliquer ICI. Guy Aurenche a présidé aussi l’ACAT et la FIACAT (Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture), cliquer ICI. Il est l’auteur de plusieurs livres dont Le pari de la fraternité écrit avec François Soulage.

[3]  Prix Nobel de la paix et Prix des droits de l’homme des Nations Unies, René Cassin est l’un des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

[4] Cf. Revue Le Débat, n°3, juillet-août 1980, texte repris dans La démocratie contre elle-même, Gallimard, 2002.-(Tel) : Marcel Gauchet développe l’idée selon laquelle les droits de l’homme ne peuvent constituer un projet global d’évolution collective, tâche qui incombe fondamentalement à une démocratie comme à toute pensée politique sur laquelle elle s’appuie, parce que, selon lui, ils sont essentiellement une collection de droits individuels.

[5] Cf. Aux sources de la dignité, chapitre 5 de l’ouvrage.

[6] Ibid, p.110

[7] Voir notamment à ce propos l’ouvrage de Joseph Yacoub.- Réécrire la Déclaration des droits de l’Homme dont nous proposons, ci-après, la recension.