Titre

Féminismes arabes, un siècle de combats

Sous titre

Les cas du Maroc et de la Tunisie

Auteur

Leïla Tauil

Type

livre

Editeur

Paris : L’Harmattan, 2019

Nombre de pages

182 p.

Prix

19,50 €

Date de publication

7 mars 2020

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Féminismes arabes, un siècle de combats

Les ouvrages sur les féminismes en monde arabe ne cessent de paraître et l’on ne peut que s’en réjouir. Leïla Tauil, chargée de cours à l’Université de Genève et chercheure associée à l’Université libre de Bruxelles1, a déjà beaucoup publié sur ce sujet, mais ce dernier ouvrage apporte une dimension nouvelle, à la fois centrée sur le Maghreb (Maroc et Tunisie), et dans une perspective historique assumée.

Repartant des premiers traités féministes rédigés dès le XIXᵉ siècle, elle décline ensuite les grandes figures féminines qui vont militer au sein des mouvements nationalistes de libération, tout en souscrivant à une solidarité féministe mondiale. Depuis l’indépendance, ces femmes vont jouer un rôle majeur dans la dénonciation du patriarcat institutionnalisé, en contestant notamment les codes de la famille issus de la charî’a2 qui instituent juridiquement l’infériorité des femmes dans l’ensemble des pays musulmans. Elles seront aussi de réelles actrices de la démocratisation.

L’auteur insiste ensuite, de façon passionnante, sur l’importance du mouvement des printemps arabes dans les conquêtes des droits des femmes. La mobilisation féministe y entraîne effectivement, tant au Maroc qu’en Tunisie, des réformes constitutionnelles de grande ampleur : la nouvelle constitution du Maroc de 2011 y entérine l’égalité entre hommes et femmes, tout comme celle de Tunisie en 2014. Et les féministes tunisiennes et marocaines, conscientes que les dispositifs législatifs ne suffisent pas, vont réclamer des mesures qui garantissent la mise en application de ces réformes égalitaires.

Leïla Tauil3 insiste aussi sur la bipolarité de ces mouvements féministes, qui se scindent en deux tendances avec une réelle réislamisation de l’offre du droit des femmes portées par des actrices islamistes et islamiques qui revendiquent une égalité dans la différence, aboutissant à la revendication de droits sexués, courant dit « différentialiste » qui défend la complémentarité des sexes au niveau familial, social et politique.

Sana Ben Achour, militante tunisienne qui fait partie, quant à elle, des mouvements féministes séculiers, plaidera pour que les droits des femmes soient déplacés sur le terrain des droits de l’homme. Ces mouvements féministes séculiers sont aussi ceux qui n’hésiteront pas à traiter publiquement de la question du corps et de la sexualité, en prônant le libre droit des femmes à disposer de leur corps : dépénalisation des relations sexuelles en dehors du mariage, droit à l’avortement, remise en cause de l’exigence de virginité, code vestimentaire…

On appréciera la conclusion de l’ouvrage qui élargit le propos à l’ensemble des courants féministes, bien au-delà du monde arabe, en posant la question de la révolution des rapports sociaux de sexe dans une perspective égalitaire des espaces publics et privés. A l’instar de Simone de Beauvoir, elle indique : « On ne naît pas patriarcal, on le devient et on ne naît pas féministe, on le devient. »4

Bénédicte du Chaffaut

 

Notes de la rédaction

1 En savoir plus sur Leïla Tauil

2 Droit musulman

3 Leïla Tauil était l’invitée de Ghaleb Bencheikh dans l’émission Questions d’islam sur France Culture pour répondre à la question : Le féminisme islamique est-il oxymorique ? (rediffusion du 27/01/2019 ; durée : 54 mn).

Leïla Tauil a donné une conférence, le 14 novembre 2019, lors d’une soirée d’étude organisée par Les Amis de l’Idéo à l’Institut catholique de Paris sur L’islam et les femmes, les femmes et l’islam : on pourra l’écouter (durée : 1h) ou en lire le compte-rendu

4 A lire aussi sur notre site : L’islam pensé par une femme / Nayla Tabbara ; Le jihadisme des femmes : Pourquoi ont-elles choisi Daech ? / Fethi Benslama, Farhad Khosrokhavar ; Sacrées questions… : Pour un islam d’aujourd’hui / Faouzia Charfi