Titre

Finalement, il y a quoi dans le Coran ?

Auteur

Rachid Benzine, Ismaël Saidi

Type

livre

Editeur

Waterloo (Belgique), La Boîte à Pandore, juin 2017

Nombre de pages

149

Prix

14,90 €

Date de publication

15 juin 2018

Finalement, il y a quoi dans le Coran ?

À l’origine de ce livre sur le Coran, une collaboration inhabituelle entre Rachid Benzine, spécialiste de l’herméneutique coranique, disciple de Mohammed Arkoun, auteur de plusieurs ouvrages dont l’excellent Le Coran expliqué aux jeunes1 et Ismaël Saidi, réalisateur belge, scénariste, auteur et dramaturge, connu pour ses pièces Djihad (2014) et Géhenne (2017).

Un scénario pour comprendre le Coran en neuf chapitres qui mettent en jeu, avec beaucoup d’humour, plusieurs personnages : les deux co-auteurs Rachid et Ismaël, mais aussi sa femme ; Moustapha, épicier ; Demi-Lune, chauffeur de taxi et une dame. A travers leurs réflexions parfois impertinentes mais aussi sérieuses, est dessiné un chemin pour lire le Coran de manière ajustée, c’est-à dire en contexte : « pour comprendre le Coran, il faut comprendre trois choses essentielles : le temps du Coran, le lieu du Coran, et le groupe humain du Coran. » (p. 14). Sur des questions contemporaines, « il faut considérer le Coran comme un point de départ, pas d’arrivée. » (p. 21). Les auteurs invitent le lecteur à ne pas se contenter de la répétition des commentaires : « Tu dois te transformer toi-même en chercheur. » (p. 27).

Ils en viennent à examiner ces mots si souvent utilisés « kouffar », mécréants (ch. 2), « djihâd », effort (ch. 3), ou encore « halal », licite/permis (ch. 4), pour les replacer dans le contexte coranique du 7e siècle. Ils montrent que leur signification est tout autre que celle communément admise aujourd’hui. Le contre-sens est courant : « Le Coran est clair, c’est la permission qui est la règle et l’interdiction qui est l’exception (cf. Sourate 6, 119) » (p. 59). Le marketing du halal fait l’inverse.

Puis, viennent des situations délicates comme celle des femmes et du voile (ch. 5), de l’attitude vis-à-vis des Juifs (ch. 6), pour situer là encore les versets coraniques dans leur contexte et conclure que « les querelles politiques du 7e siècle comme celles du Proche-Orient aujourd’hui ne peuvent en aucune façon justifier l’antisémitisme. » (p. 93). Comment comprendre les versets de violence dans le Coran (ch. 7) ? Là encore R. Benzine propose une interprétation en contexte, y compris du verset de l’épée (Sourate 2, 191), pour dire que le Coran menace d’une violence dans l’Au-delà : « C’est Dieu qui punit au Jugement dernier […] Ce ne sont pas les hommes qui punissent. La violence est divine. » (p. 99).

Après avoir abordé l’islam comme seule vraie religion (ch. 8) et la construction de la figure de Muhammad à travers la Tradition (les hadiths) (ch. 9), le livre se conclut ainsi :

« Il suffit tout simplement… de l’ouvrir, le Coran. » (p. 137).

Un livre très intéressant à lire qui situe le Coran comme une parole, en contexte, avant d’être un texte écrit (p. 28), une parole vivante à l’époque. Autant la mise en contexte du 7e siècle est intéressante, autant ce livre laisse son lecteur un peu sur sa faim quant à une lecture actuelle. Cette lecture contextuelle historique ne suffit pas. En quoi est-il parole vivante qui peut guider les croyants musulmans dans le contexte du XXIe siècle ? Quelles sont alors les règles de l’interprétation ? Rachid Benzine y répond dans d’autres ouvrages, on aurait aimé que ce soit au moins esquissé dans celui-ci.

Christophe Roucou

1 Le Coran expliqué aux jeunes.- Nouv. éd. augmentée.- Paris : Seuil, 2016