Titre

Fraternité radicale

Sous titre

Témoignage

Auteur

Samuel Grzybowski ; avec Sophie Blandinières

Type

livre

Editeur

Les Arènes, 17/10/2018

Nombre de pages

247 p.

Prix

18 €

Date de publication

22 décembre 2018

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Fraternité radicale

« La valeur n’attend pas le nombre des années » : telle est la phrase qui vient à l’esprit à la lecture de cet ouvrage-témoignage de Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister[1]. Cette Association a été créée par cinq amis, aux identités religieuses diverses, qui souhaitaient montrer par leur amitié et quelques initiatives que la différence peut être une source de bonheur et de joie, et pas seulement de conflit et de violence. Il existe plusieurs associations de ce type. L’originalité de l’ouvrage est que le fondateur de Coexister se livre déjà à un bilan, occasionné par un burnout qui l’a obligé à s’arrêter, à prendre du recul et à réfléchir sur son expérience militante. Cela, en fait, est assez rare.

Né dans une famille ouverte aux autres, père journaliste, mère graphiste, éduqué dans une école multiculturelle et formé par le scoutisme, Samuel réagit très jeune aux questions interculturelles qui traversent la société française. Lors de l’opération « plomb durci »  qui ravage Gaza en décembre 2008, par exemple, il déplore l’importation en France du conflit israélo-palestinien et décide avec 4 amis chrétiens, 3 musulmans, 2 juives et un agnostique, de lancer une opération appelée « don de sang % ». Ils prennent comme mot d’ordre le mot  « Coexister » qui deviendra le titre de leur association. Les réseaux sociaux aidant – c’est dans les gènes de sa génération – l’opération est un succès et conduit à la création formelle, en septembre 2009, d’une Association.

Samuel, qui n’a alors que 17 ans, en est élu président. Durant 8 ans, il va se laisser absorber par des projets passionnants, qui marchent à merveille : création de sections régionales de l’Association, conférences dans les écoles et les lycées, rencontres avec des rabbins, des imams et des prêtres, et, finalement, lancement d’un tour du monde des lieux de fraternité, appelé Interfaith Tour[2]. Ce voyage conduit Samuel avec 4 amis de juillet 2013 à avril 2014 dans un périple à travers quarante pays sur les cinq continents afin d’y repérer des initiatives interreligieuses et inter convictionnelles. Ce sera l’occasion de découvrir des lieux très blessés dans les Balkans, l’Afrique des Grands Lacs, mais aussi des merveilles de conciliation ou de réconciliation, comme la « parenté à plaisanterie » qui au Burkina Faso permet d’apprivoiser les différences en créant, par mariage, des familles qui associent des membres de communautés différentes.

L’enthousiasme et le dynamisme des fondateurs de Coexister, la créativité de leurs projets attirent vite l’attention, suscitent l’admiration, ce qui lui vaut d’être littéralement couverte de prix à partir de 2014 : Golden Rule Award, Prix des Ambassadeurs de Paix, etc.[3] L’équipe de Coexister est reçue au Quai d’Orsay, à l’Elysée, au Conseil économique et social. La société française est en effet de plus en plus perplexe devant les chocs identitaires au sein du tissu social. Le tour du monde va désormais être renouvelé avec d’autres participants, qui se transforment, selon les mots de Samuel Grzybowski, en « explorateurs de la paix ». Bref, la success story continue. Elle va conduire l’équipe fondatrice à beaucoup s’exposer dans le débat public et les médias lors des drames qui frappent la France en 2015 (Bataclan, puis Charlie hebdo et l’Hypercacher). Ce sont des sujets très clivants qui vont valoir à la jeune équipe de Coexister une surexposition médiatique et beaucoup de violence, car elle est parvenue à rassembler autour de son hashtag #NousSommesUnis une grande diversité de personnalités.

Son fondateur, lui, doit tout arrêter en octobre 2016, victime d’un syndrome d’épuisement, le burn out si courant dans les métiers altruistes (médecins, religieux, milieux associatifs). Avec un réel courage, Samuel Grzybowski prend conscience qu’il s’est trop identifié à sa mission et n’a pas pris assez soin de lui-même, le faire prenant le pas sur l’être. Ses nombreux talents y poussaient. Au lieu de vivre cette épreuve comme une fatalité, il décide de se donner douze mois pour relire son expérience, refaire ses forces en faisant de la randonnée, voyager un peu pour repasser dans quelques lieux qui lui sont chers : Jérusalem, où une vieille sœur bénédictine l’a pris en affection, tout comme le cardinal Etchegaray qu’il va revoir dans sa retraite du pays basque, Taizé, Beyrouth. Entre temps, il a passé la main de la responsabilité de l’Association Coexister qui poursuit son développement.

Samuel fait un voyage en lui-même cette fois, occasion d’un bilan. « A partir d’aujourd’hui, conclut-il au terme de ce chemin intérieur, je ne pourrai plus jamais me contenter de bâtir des ponts pour les autres. Pour aller aussi à la rencontre de mes plus proches, mes amis, mon entourage : maintenant, il me faudra aussi bâtir et emprunter les miens ».

C’est une conclusion qui mérite d’être méditée et suivie par beaucoup, surtout ceux et celles qui sont engagées comme lui dans des projets au service des autres. Car la générosité et le dévouement peuvent cacher des pièges redoutables.

Jean-Jacques Pérennès, op.

 

[1] Pour en savoir plus sur Coexister, « le mouvement interconvictionnel des jeunes », cliquer ICI. Lire aussi, sur notre site, la recension d’un des livres de l’auteur en cliquant sur : Manifeste pour une coexistence active / Samuel Grzybowski.

[2] Pour en savoir plus, cliquer sur InterFaith Tour

[3] Liste des prix obtenus :

– Mention spéciale « Association » – Prix de la laïcité de la République française 2016 (Coexister)
Prix « Coup de Pouce » Trophée EDF 2016 (Coexister)
Emerging Young Leaders – Département d’État des États-Unis 2016 (Samuel)
Ashoka fellowship 2016 (Samuel)
UpgradeYourWorld – Microsoft 2015 (Coexister)
Sciences Po Émile Boutmy 2015 (Samuel)
Haut patronage du conseil de l’Europe 2015 (InterFaith Tour 2)
Grand Projet Présidentiel – Elysée 2015 (Coexister)
Ambassadeurs de paix – FPU-Ecosoc/ONU (InterFaith Tour)
Prix du partage citoyen 2014, délivré par l’Institut St Martin de Tours à Tours
Trophée du Vivre-Ensemble 2014, délivré par la Plateforme de Paris au Sénat
Golden Rule Award 2014, délivré par le Parlement mondial des religions et le gouvernement de Finlande à Helsinki.