L’IRIS, Institut de Relations Internationales et Stratégiques, publie, dans sa collection Géopolitique, un ouvrage consacré à la Géopolitique de l’Europe  sous la plume d’Olivier de France, l’un de ses directeurs de recherche qui par ailleurs enseigne la géopolitique à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.

Cet opuscule est composé, selon la formule consacrée de la collection, de 40 fiches – chacune ayant un thème particulier traité en deux feuilles d’analyses assorties d’un point “focus” particulier, d’une brève synthèse et d’une illustration cartographique ou d’un schéma statistique -, ordonnées autour de quatre thématiques : Le continent palimpseste. A quoi l’Europe sert-elle ? L’Europe est-elle une puissance ? L’Europe a-t-elle un avenir ? L’ensemble se situe bien au-delà d’un ouvrage de vulgarisation et présente une analyse critique du projet européen.

L’auteur s’interroge tout d’abord sur l’identité de l’Europe dont il montre qu’elle est le résultat d’un long processus historique dont les formes variées ne se sont recouvertes les unes et les autres que partiellement, “comme sur un palimpseste” écrit-il, de sorte qu’elle n’apparaît clairement, selon lui, que lorsqu’on la regarde de l’extérieur ¹. Toutefois, en le suivant dans la longue quête identitaire qu’il conduit sous différents angles, on perd un peu de vue que le caractère essentiel du modèle européen repose fondamentalement sur la diversité de ses États membres qui est revendiquée comme une richesse essentielle² .

Dans la seconde partie de l’ouvrage, il aborde successivement : économie, commerce, politique, diplomatie, stratégie et question migratoire, ce qui est l’occasion de percevoir pour chaque domaine les forces de l’Europe et ses limites, notamment à partir des cartes et schémas qui soutiennent utilement l’analyse que l’auteur conclut en montrant combien sa diversité empêche souvent l’Union de dégager clairement des positions, alors qu’une tendance centrifuge de repli national se manifeste de façon préoccupante.

Mais à aucun moment – et on peut le regretter – l’auteur ne mentionne que l’amélioration de la gouvernance est l’une des préoccupations majeures des différentes institutions européennes – Conseil, Commission, Parlement – et figure, à ce titre, au cœur de la grande Consultation citoyenne lancée par la Commission dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe du 19 avril au 31 décembre 2021³ censée aboutir, au mois de mars 2022, sur des propositions qui pourraient être à l’origine d‘une vaste relance du projet européen que l’auteur appelle par ailleurs de ses vœux.

L’analyse géopolitique proprement dite se limite, dans la troisième partie de l’ouvrage, à étudier les relations avec les Etats-Unis, la Chine, le Sud et l’Est. La relation avec les Etats-Unis n’est envisagée que dans le cadre de la présidence Trump alors qu’on peut penser que celle-ci pourrait n’être qu’une parenthèse. La fiche concernant les relations au Sud n’aborde, quant à elle, que très succinctement “la décomposition de l’Etat libyen, les remous au Sahel et le chaos yéménite”⁴ alors que par ailleurs l’auteur consacre aux “Balkans occidentaux” l’essentiel de son étude des relations à l’Est, évoquant seulement d’un mot la crise des relations avec la Russie.⁵

La dernière partie de l’ouvrage qui s’interroge sur l’avenir de l’Europe⁶ présente enfin un constat fort pessimiste d’une Union qui a pris conscience qu’elle n’est plus au cœur du monde et dont les peuples se seraient pénétrés du sentiment qu’ils ont perdu “le contrôle de leur destinée collective”. L’auteur invite donc leurs dirigeants à “trouver une nouvelle voie” sur le contenu de laquelle il n’est cependant guère explicite.

Ainsi, alors que la forme originale adoptée par cet ouvrage en fait, par bien des aspects, un utile instrument pédagogique portant sur les défis géopolitiques d’une Europe à laquelle ses peuples restent profondément attachés quoiqu’on en dise, ce travail manque parfois son objectif par certaines lacunes d’analyse qui surprennent.

Bernard Ughetto

Membre de CDM