Titre
Histoire du Moyen-Orient, de l’Empire ottoman à nos joursSous titre
Au- delà de la question d’OrientAuteur
Olivier Bouquet, Philippe Pétriat, Pierre VermerenType
livreEditeur
Paris : Publications de la Sorbonne, 2016Collection
Libres coursNombre de pages
400 pagesPrix
19 €Date de publication
11 juillet 2017Histoire du Moyen-Orient, de l’Empire ottoman à nos jours
Avec cet ouvrage, les trois auteurs, tous spécialistes et professeurs d’Universités à Paris, ne démentent pas la formule de « L’Orient compliqué ». Ils veulent la transcender, et c’est le sens de leur sous-titre et de l’intitulé de leur introduction : « Pour en finir avec la question d’Orient ? »
Cette « question » traîne dans nos perceptions occidentales depuis le premier traité qu’un sultan fut contraint de signer sous la pression russe en 1774. Cette date est le point de départ de leur étude structurée en trois périodes, chacune rédigée et signée par l’un des trois auteurs : d’abord l’Empire ottoman (1789-1922), puis le Moyen-Orient (1870-1950), enfin l’histoire contemporaine (1950 à nos jours).
Leur aire géographique déborde ce que nous appelons « le Proche-Orient ». Elle inclut, non seulement l’ancien empire turc ottoman, mais l’empire perse (l’Iran) et le monde arabe. On atteint les frontières de la lointaine Asie et une partie non négligeable du continent est-africain. Alors que l’Occident d’aujourd’hui se laisse polariser par les soubresauts de quelques pays dits « arabes », il semble oublier que ces peuples turcs, persans, syriaques, kurdes, arméniens, coptes, arabes (surtout depuis 1918), israélien depuis 1948, ont tous leur histoire propre qui ne se confond pas avec les seules relations conflictuelles qu’ils ont pu avoir entre eux et avec l’Occident.
C’est un premier principe d’historiens que respectent les auteurs : s’appuyer sur les documents internes, originaux, propres à chacun des peuples qui ont forgé le Moyen-Orient actuel. Ne pas se borner à de la géopolitique en relation avec l’Occident, mais montrer comment tous les 15 pays qui composent la région ont développé leurs propres modèles et leurs recherches d’un accès à une modernité politique et sociale. Cela conduit les auteurs à aborder les questions démographiques, économiques, culturelles, politiques et idéologiques. Si chacun des peuples a son histoire et son autonomie, il faut tenir compte de la circulation des idées et des hommes, des interactions toujours possibles et d’une difficulté à concilier nationalisme et communauté rêvée, et structurée au départ par une religion : l’islam. On assiste ainsi à l’affirmation nationale, aux tentatives de réformes des sociétés et de la religion, aux luttes d’influence entre les diverses interprétations religieuses et idéologiques qui aboutissent parfois aux replis communautaristes dont les chrétiens autochtones (coptes ou autres) et les juifs israéliens font les frais. Ils ne sont pas les seuls…
Au final, si l’ouvrage est fondamentalement un livre d’histoire, il évite l’écueil du point de vue de la géopolitique trop occidentale et bat en brèche la perception que le Moyen-Orient n’est que source de conflits. La multiplicité des points de vue culturels, économiques, démographiques, religieux… permet de prendre de la hauteur et de relativiser. Le Moyen-Orient, ce n’est pas que burka, attentats et pétrole… En ce sens, on appréciera la lumineuse synthèse que propose l’ouvrage dans l’évolution des sociétés et de leur contexte historique. Cela se vérifie tout particulièrement dans la troisième partie (sans doute parce que la plus contemporaine). Entre les guerres qui, depuis cinquante ans, ont nourri les chroniques médiatiques, au Liban, en Palestine, entre l’Iran et l’Irak, avec la Syrie et Daech, avec les pressions américaines ou russes et l’affrontement de deux idéologies communautaristes sunnite et chiite, le coup d’œil est large, synthétique, remarquablement documenté et éclairant, bref : un état des lieux de ce qui constitue le Proche-Orient d’aujourd’hui.
Mais le sujet est vaste. Chaque chapitre, à lui seul, pourrait demander des développements importants. Les auteurs sont contraints de procéder de temps en temps par simples allusions à des faits ou situations qui renvoient à d’autres études. Ils le signalent d’ailleurs : ce livre, dense, synthétique, parfois de lecture sobre et ardue, servira davantage aux étudiants ou aux chercheurs qu’au grand public. Mais il reste un outil indispensable pour tous ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient, qui cherchent à acquérir un point de vue plus large, neuf et clairvoyant, sur une région au cœur des préoccupations du monde contemporain.
Claude Popin