Titre
La femme est l’avenir du GolfeSous titre
Ce que la modernité arabe dit de nousAuteur
Arnaud LacheretType
livreEditeur
Lormont (Gironde) : Le Bord de l’eau, 2020Nombre de pages
215 p.Prix
18 €Date de publication
21 septembre 2021La femme est l’avenir du Golfe
Ce livre aurait pu s’intituler : Femmes du Golfe persique, l’émancipation à petits pas.
C’est en résumé ce qui ressort de l’enquête menée par Arnaud Lacheret1 à Manama, capitale du Bahreïn. Avec, finalement, la publication de ce livre : La femme est l’avenir du Golfe.
Un ouvrage qui rassemble une vingtaine de témoignages de Saoudiennes, Emiraties, Bahreïnies et Koweitiennes et des interviews recueillies par l’auteur qui a profité de son affectation, entre 2017 et 2020, par le Ministère français des Affaires étrangères à l’Université du Golfe arabe de Bahreïn, un petit royaume à majorité chiite, mais dirigé par une famille sunnite.
Il a interrogé des femmes issues de la classe moyenne supérieure, âgées de 21 à 50 ans, qui, à force de persévérance et de stratégie, ont fini par occuper des postes de direction dans leur pays : directrice des ressources humaines, responsable de pôle financier, chargée d’un service informatique, et même chef d’entreprise.
Non seulement l’ouvrage de Lacheret ouvre sur une réflexion profonde, mais il casse tous les clichés des Occidentaux sur les femmes arabes du Golfe, qu’ils soumettent un peu trop rapidement aux diktats de la loi islamique, inamovible et incontournable.
L’auteur ne nie pas cette soumission à l’islam et à la gent masculine, mais il constate que depuis quelques années à peine, ces femmes par leur résistance et leur combat individuel grignotent des libertés, que l’on croyait encore impossibles au début des années 2000.
Tout au long de ces pages, Lacheret décrit les luttes toutes en finesse de ces entrepreneuses pour parvenir à contourner les pressions sociales et familiales, et pour dépasser l’autorité patriarcale. Petit à petit, ces pionnières font reculer les traditions, obtenant le droit de conduire, celui de voyager sans l’autorisation du père ou du mari, elles cassent aussi les tabous sexistes.
Une évolution sans remous, sans manifestations de masse, sans remises en question des pouvoirs en place. Une stratégie personnelle qui vise d’abord à changer leur entourage proche. Leurs exemples pouvant devenir ainsi des modèles, qui font tache d’huile dans ces sociétés ultra-conservatrices.
On peut reprocher à l’auteur d’avoir choisi des femmes de la bourgeoisie issues de familles éduquées et ouvertes sur le monde, qui ont permis à leurs filles d’accéder aux études universitaires. On peut également regretter qu’Arnaud Lacheret ait occulté ces musulmanes féministes emprisonnées tel la saoudienne Loujain Al-Hathloul2 coupable de s’être dressée frontalement contre les princes et les rois, car, explique l’auteur, ce sont finalement ces femmes qui, sans tapage médiatique, finissent par bouleverser les traditions, pour les adapter à leur conception et à la modernité.
Évidemment, reconnaît l’auteur, ces propos ne sont pas encore le reflet majoritaire des sociétés où elles vivent. Mais leur combat crée de nouveaux espaces de liberté : “Des signes encourageants pour le futur, d’autant qu’ils ne viennent pas de l’Occident qui a longtemps cherché à imposer ses règles, sans essayer de comprendre ces sociétés arabes.”
Luc Balbont3
Notes de la rédaction
1 Arnaud Lacheret est docteur en Sciences politiques, associate professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige, depuis 2017, la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe. Il est l’auteur de Les territoires gagnés de la République ? .-Le Bord de l’eau, 2019
2 Sur la libération de cette militante féministe, cf. Le Monde, 10/02/2021
3 Né le 23 avril 1949, journaliste. Arabisant, Luc Balbont vit depuis 1989 entre la France et le Liban, pays où réside sa famille. En 40 ans de journalisme il a couvert une grande partie des événements et des bouleversements du monde arabe, de la guerre du Liban (1975-1990) aux révolutions arabes de 2011. Il a reçu en 2006 le prix “Reporter d’espoir” pour des reportages effectués en Égypte et en Palestine, et le prix littéraire de L’Œuvre d’Orient en 2012, pour le livre Jusqu’au bout.- Nouvelle Cité, 2012 : entretiens avec Mgr Casmoussa – alors archevêque syriaque catholique de Mossoul -, assurés avec Joseph Alichoran. Il est actuellement correspondant à Beyrouth pour le quotidien francophone algérien Liberté. Cf. Son blog et ses Regards et recensions de livres pour le site de CDM dont il est membre du CA.