Titre
La Mission Jésuite de Ghazir (1843-1965)Sous titre
Le retour de la Compagnie de Jésus au LibanAuteur
Khalil Karam et Charbel MattaType
livreEditeur
Beyrouth : Presses de l’Université Saint-Joseph, sept. 2019Nombre de pages
152 p.Prix
35 €Date de publication
1 décembre 2021La Mission Jésuite de Ghazir (1843-1965)
Livre témoignage, livre monument, il s’agit de se souvenir du passage, pendant 122 ans, des jésuites au séminaire de Ghazir, petite localité dans la montagne libanaise. Un autre mémorial, celui-ci en dur, avec plaques, bustes et médaillons, fut érigé en 2011 par cette municipalité, pour garder vivant le souvenir de la présence des jésuites dans ces contrées du Mont-Liban. Cette localisation sur le Mont-Liban est un peu considérée comme le “refuge du catholicisme en Orient”.
Après une série d’introductions, ce volume rappelle les missions de la Compagnie de Jésus1 avant sa suppression, mission d’Alep, de Damas, de Saïda, ou de Tripoli au XVIIᵉ siècle. Il s’attache ensuite au retour des jésuites à Ghazir en 1843 où ils fondèrent un séminaire pour tous les rites, qui prit le nom de Saint François-Xavier. Ce n’est qu’en 1934 qu’il deviendra le “Séminaire central Saint-Maron”, exclusivement maronite.
La fondation du XIXᵉ siècle avait pour but de recréer un lien entre Rome et un clergé divisé en plusieurs rites, dont la discipline était assez relâchée. L’établissement devient un collège-séminaire où se retrouvent mélangés les séminaristes et les enfants des familles de notables des environs. Le séminaire prend petit à petit son autonomie avec quelque 80 séminaristes autour des années 1860. En 1875, le collège déménage à Beyrouth.
La guerre 1914-18 marquera un temps difficile, non seulement à cause des occupations par les troupes, mais à cause de multiples maladies, des sauterelles et de la faim. Au début des années 30, un nouveau séminaire est mis sur pied, avec des formations de philosophie et de théologie, qui va devenir un grand séminaire maronite en 1934. Les séminaristes sont nombreux, et très actifs dans toute la région. L’année 1944 est l’occasion de fêter, en grande pompe, le centenaire de l’arrivée des jésuites à Ghazir.
Le séminaire continue de grandir avec 218 jeunes en formation en 1958. Les constructions se multiplient. Mais la maison est difficile à gérer, avec près de 300 personnes à loger et nourrir. La réputation du séminaire lui ouvre des dons internationaux. Les premiers prêtres formés à Ghazir deviennent évêques comme le futur Patriarche Nasrallah Sfeir2. Mais des rumeurs sur le départ des jésuites commencent à circuler dès 1963.
Les évêques maronites veulent en effet que leur Église dirige tous leurs séminaires, y compris celui de Ghazir. Dans un mouvement de rejet de l’universalisme pratiqué par la Compagnie de Jésus, ils se replient sur leur identité. Le transfert de l’institution de la tutelle des jésuites à celle du Patriarcat maronite est donc programmé pour l’été 1965, après 122 ans de service. Les habitants de Ghazir et bien d’autres n’ont pas compris ce “départ mal préparé” et cette transition “maladroite”, ce qui n’est qu’une litote. Les jésuites allèrent renforcer les institutions qu’ils avaient à Beyrouth, notamment l’Université St Joseph3.
Cette histoire s’appuie sur des “diaires”, c’est-à-dire sur des journaux quotidiens rédigés par les jésuites de Ghazir. Toutes les maisons jésuites ont ainsi l’habitude de rédiger l’histoire de leur communauté en relation avec leurs activités mais aussi avec la vie extérieure. Ainsi, ils parleront de leur santé, des problèmes politiques internationaux, des événements de l’Eglise locale ou nationale, etc.
Cette histoire est complétée par celle de la Congrégation féminine des Saints Cœurs4, très proche de la Compagnie de Jésus et qui a eu une grande importance à Ghazir comme dans tout le Liban. En fin de volume, on trouve la liste des jésuites passés par Ghazir, celle des supérieurs du séminaire comme des supérieurs généraux des jésuites, et quelques biographies des personnages les plus notables de ces années-là, le P. Augustin Jeannière, le P. Joseph Delore, et le P. Peter-Hans Kolvenbach, qui fut jeune jésuite à Ghazir pour devenir plus tard Supérieur général des jésuites.
Voilà donc un beau volume de l’histoire passagère des jésuites dans un lieu particulier, le Mont Liban, qu’ils ont dû quitter5.
Pierre de Charentenay
Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (ICM)
Notes de la rédaction
1 En savoir plus sur la Compagnie de Jésus ou Jésuites.
3 Fondée en 1875 par les Jésuites, l’Université Saint-Joseph de Beyrouth est une université privée libanaise.
5 Le Grand Prix littéraire de L’Œuvre d’Orient 2021 décerné à l’ambassadeur Khalil Karam et à Charbel Matta pour leur livre sur La Mission Jésuite de Ghazir (1843-1965) a été annoncé dans les Nouvelles de l’Université st Joseph.
Les auteurs : Khalil Elias Karam est né à Ghazir. Vice-recteur à l’Université Saint Joseph (2008-2013). Représentant du Chef de l’État pour la francophonie. Chargé d’Affaires auprès du Saint-Siège. Ambassadeur du Liban auprès de l’UNESCO.
Charbel Antoun Matta est né aussi à Ghazir. Professeur à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux. Histoire de l’Art-Université Michel de Montaigne-Bordeaux III. Initiateur de projets culturels à Ghazir : Mémorial des jésuites, Square Ernest Renan, Mémorial des Prêtres. Vitraux de l’église N.D. de l’Assomption de Ghazir.