Titre

La Turquie aux Turcs

Sous titre

Destruction de communautés chrétiennes de l'Empire ottoman : nestoriens, chaldéens, syriaques et Grecs, 1914-1924

Auteur

Yves Ternon ; préf. de Gérard Dédéyan

Type

livre

Editeur

Paris : Cerf, 2022

Nombre de pages

304 p.

Prix

22€

Date de publication

14 mai 2023

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La Turquie aux Turcs, destruction de communautés chrétiennes de l’Empire ottoman : nestoriens, chaldéens, syriaques et Grecs (1914-1924 )

Le Dr. Yves Ternon est un spécialiste de l’histoire de l’Arménie et des génocides arméniens. Dans ce nouvel ouvrage, il évoque les massacres entre 1914 et 1924 des autres chrétiens de l’Empire ottoman puis de la République de Turquie de Mustafa Kemal, les Assyro-chaldéens, les Syriaques et les Grecs d’Anatolie. Dans sa préface, le Pr Dedeyan rappelle que l’auteur s’est livré à une exploration scrupuleuse des Archives du Vatican, qui regroupe les informations transmises par les ecclésiastiques et laïcs locaux, entre 1894 et 1923, ainsi qu’à une description très précise des Églises chrétiennes de l’Orient ottoman au XIXe siècle, les monophysites syriaques, parfois appelés jacobites, les nestoriens dyaphysites et les catholiques ralliés à Rome, chaldéens et syriaques.

D’avril 1915 à décembre 1916, les deux tiers des Arméniens ottomans ont péri selon une planification établie par le Gouvernement ottoman, le Comité Union et Progrès, fondé en 1895, et exécutée par l’Organisation Spéciale avec l’aide des administrations régionales, de la population musulmane et des tribus kurdes et circassiennes. 6 millions de chrétiens vivaient dans l’Empire ottoman ; ils sont quelques dizaines de milliers aujourd’hui.

Le Califat ottoman avait organisé l’infériorité légale des non-musulmans ; la cohabitation avec les chrétiens était fondée sur l’humiliation et la tolérance. Les Jeunes Turcs à partir de 1901, aspirent à turquifier les races musulmanes non turques, Kurdes, Persans, Arabes, et à convertir de force, à expulser ou à exterminer les minorités chrétiennes. D’où le paradoxe d’un nationalisme laïque qui ne peut se construire qu’avec des musulmans. En 1913, un coup d’Etat porte au pouvoir Talaat, Enver et Jamal, qui aligneront la future Turquie sur l’Allemagne en 1914 et aboliront les Capitulations (accords entre l’Empire ottoman et les puissances européennes qui ouvraient des droits et des privilèges aux chrétiens) ; leurs successeurs kémalistes expulseront, après les Arméniens, les Grecs d’Anatolie.

De 1894 à 1924, les massacres des chrétiens vont s’étendre dans le Kurdistan de Turquie en passant par la province de Mossoul jusqu’en Azerbaïdjan persan envahi par les Turcs en 1915 à Ourmiah, où le Patriarche assyrien succombera à un attentat1. Le Dr Ternon décrit successivement l’extermination des nestoriens du Hakkari, des chaldéens et des syriaques de Seert, des syriaques de Diarbekir et de ceux du vilayet de Mossoul dans des conditions inhumaines.

La Conférence de la Paix de 1918 ne pourra pas satisfaire les demandes territoriales antagonistes arméniennes, kurdes et assyro-chaldéennes ; les troupes alliées sont épuisées, les bolcheviks font peser une menace de révolution mondiale. Le Traité de Lausanne (1923) fixe définitivement les frontières de la Turquie. Le Patriarche nestorien protestera en vain auprès de la Société des Nations : “La SDN nous a trahis en donnant nos anciennes terres à la Turquie et en nous remettant à un gouvernement arabe”2.

Quant aux Grecs d’Asie Mineure, selon le recensement patriarcal ils étaient 1,5 million en Anatolie et selon le recensement turc de 1914, 1,2 million et à Constantinople 190 000 (ils sont aujourd’hui 3 000). L’auteur parle de “processus génocidaire”, relatant les dizaines de villages brûlés par les soldats turcs, les déportations en convois des habitants. Le gouvernement kémaliste s’engage dans une guerre totale, exterminant un demi-million de Grecs, comme l’affirme le Gouvernement britannique, crucifiant les prêtres, enlevant les femmes et les enfants. Le comble de l’horreur sera atteint à Smyrne en septembre 1922. La ville est brûlée, l’évêque Chrysostomos mutilé ; les navires occidentaux pourront sauver 30 000 Grecs et Arméniens. Un échange de populations suivra le Traité de paix en 1923 ; 1 150 000 Grecs seront expulsés de Turquie et 356 000 Turcs rapatriés de Grèce.

On saura gré à l’auteur d’avoir joint en annexe un précieux dossier cartographique de onze cartes des régions citées et un index des noms propres.

Christian Lochon

Administrateur de CDM

1 On peut consulter sur cette région la recension précédente de l’ouvrage de Joseph et Claire Yacoub.- Martyrs par amour en Perse.-Paris : Salvator, 2022

2 Cf. Joseph Alichoran.- Du génocide à la diaspora : les Assyro-Chaldéens au XXe siècle, Istina XXXIX 1994.

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