Titre
Le Catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ?Auteur
Guillaume CuchetType
livreEditeur
Paris : Seuil, sept. 2021Collection
La couleur des idéesNombre de pages
241 p.Prix
21€Date de publication
27 décembre 2021Le Catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ?
L’auteur, qui se déclare historien et non pas sociologue, a l’avantage d’être malgré tout bien frotté de sociologie religieuse. Il s’est fait connaître du grand public par son livre Comment notre monde a cessé d’être chrétien : anatomie d’un effondrement1, dont il rappelle d’ailleurs la thèse principale dans l’introduction du livre ici recensé. C’est le concile Vatican II qui, selon cette analyse, a déclenché la rupture qui donne lieu à l’effondrement de la pratique religieuse des catholiques, et non pas Mai 68 ou l’encyclique Humanae vitae2 comme on l’a souvent dit, ces deux derniers événements ayant amplifié mais non déclenché la vague.
Dans l’ouvrage ici recensé, l’auteur regroupe plusieurs articles publiés dans diverses revues depuis 2015 et revisités par lui pour l’occasion. Tous concernent évidemment la situation actuelle du catholicisme. Regroupés ainsi, ces articles apparaissent comme autant de coups de sonde opérés dans la réalité du catholicisme actuel, plutôt que comme une vision architecturée d’ensemble. C’est aussi, paradoxalement, ce qui fait l’intérêt de cet ouvrage qui, tout à la fois, fait défiler et approfondit diverses pratiques liées au catholicisme et à la société présente.
Au point de départ des études ici regroupées, tout comme dans leur développement, il y a le constat lancinant d’un effondrement de la pratique religieuse, à la suite du décrochage de la génération des baby-boomers dans la seconde moitié des années 1960.
L’auteur a des pages intéressantes sur le tabou de la mort qui apparaît à ce moment, et qui conduit jusqu’aux débats actuels sur la fin de vie et l’euthanasie, ouvrant la porte à ce qui pourrait être “une véritable mutation anthropologique en matière funéraire”. Il traite d’ailleurs spécialement de la question dans un article consacré aux “transformations de la scène funéraire contemporaine”, depuis la décléricalisation des enterrements, la banalisation de la crémation, l’intervention des pompes funèbres, etc., avec pour remarque finale que les funérailles sont souvent une étape rituelle sans retour, a fortiori si le défunt était le dernier chrétien de la famille. En accueillant les familles pour la célébration, l’Église ne peut plus nourrir l’espoir de les revoir par la suite.
L’auteur prend en compte des pratiques profanes telles que la pratique sportive du running (le running est venu après l’ère du footing puis celle du jogging), où il voit l’expression d’une fuite de la mort pour les plus anciens et une volonté de maintenir leur jeunesse pour les plus jeunes, “ce qui est un peu la même chose”. Bref, le running peut être compris comme faisant partie de notre histoire religieuse ou post-religieuse. La lecture que fait l’auteur du running est un bel exemple de décryptage religieux d’une pratique profane. Il prend évidemment en compte des événements qui ont marqué comme la “Manif pour tous”.
Un chapitre est aussi consacré aux “nones”, expression qui désigne les “sans religion”, groupe qui est largement majoritaire parmi les jeunes. Cette situation est entièrement nouvelle. Quant à la nouvelle spiritualité, très marquée par le bouddhisme, elle fait l’objet d’une appréciation très critique : c’est une spiritualité pour temps calme, sans enracinement dans la culture locale, individualiste, incapable d’engendrer un autre monde ou d’améliorer celui-ci.
Il n’est pas possible ici de passer en revue toute la richesse de ce livre. Je tiens à signaler l’usage méthodologique de la distinction traditionnelle faite entre la “thèse” et “l’hypothèse” qui permet à l’auteur de faire une lecture intéressante des évolutions du catholicisme.
Pour terminer, je signale l’intérêt de la conclusion dans laquelle l’auteur dévoile assez clairement ses propres positions sur le plan religieux.
Ce livre est à recommander à ceux qui veulent voyager intelligemment dans un univers religieux à bout de souffle mais qui n’a peut-être pas dit son dernier mot.
Alain Durand3
Notes de la rédaction
1 Comment notre monde a cessé d’être chrétien : anatomie d’un effondrement / Guillaume Cuchet.-Seuil, 2018.- (La couleur des idées)
2 Encyclique Humanae vitae / Pape Paul VI, 25 juillet 1968
3 Frère dominicain du Couvent de La Tourette, Alain Durand est théologien et auteur, notamment, de :
La cause des pauvres : société, éthique et foi.– Cerf, 1991, nouv. éd. 1996.- (Théologies) ;
Dieu choisit le dernier.- Cerf, 2009.- (Epiphanie) ; Dieu, une passion.- Cerf, 2019. Il a fait plusieurs recensions pour notre site : Jésus : approche historique / José Antonio Pagola.- Cerf, 2013 ; Jésus : l’encyclopédie / sous la dir. de Joseph Doré.- Albin Michel, 2017 ; François le diplomate : la diplomatie de la miséricorde /Jean-Baptiste Noé.- Salvator, 2019