Titre

Le salut comme dia-logue

Sous titre

De saint Paul VI à François

Auteur

Thierry-Marie Courau

Type

livre

Editeur

Paris : éd. du Cerf, 2018

Nombre de pages

176 p.

Prix

16 €

Date de publication

9 octobre 2019

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Le salut comme dia-logue. De saint Paul VI à François

Thierry-Marie Courau, dominicain, est professeur et doyen honoraire de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris, et président de la revue internationale de théologie Concilium. Si on lui doit plusieurs ouvrages tournés vers la recherche inter-religieuse[1]  il nous offre ici un livre court et d’un accès simple qui ne manque pas d’actualité.

Selon l’auteur, Paul VI et, après lui, le pape François, ont ouvert de profondes perspectives de renouvellement du rapport de l’Église au monde. Par eux, le dialogue devient un élément essentiel de la mission de l’Église et en renouvelle le sens. La figure centrale de ce livre est celle du pape Paul VI (canonisé par le pape François), dont T. M. Courau nous rappelle le rôle essentiel dans la préparation et la conduite du concile Vatican II (1962-1965), qu’il a su mener à son accomplissement.

Pour l’auteur, Paul VI (1897-1978) est une figure majeure du christianisme du 20ème siècle. Le parcours  de Giovanni Battista Montini, le futur pape Paul VI, son engagement au sein des crises, des transformations, mais aussi des guerres que traversent l’Italie et le monde au cours de la première moitié du 20ème s., ont forgé chez cet intellectuel humaniste et homme d’Eglise, une conviction essentielle : il faut renoncer à la posture d’une Église qui serait dominante, surplombante, seule détentrice de la vérité. Construire « la civilisation de l’amour », qui est le projet de Dieu pour les hommes, ne peut passer que par la voie du dialogue. C’est lui qui dans sa première encyclique  Ecclesiam suam (1964)[2] introduit la notion d’un « dialogue du salut », vecteur de cette radicale transformation. L’homme est fait pour le dialogue, il est traversé par une parole divine, qui crée, s’approche, accompagne, libère, accomplit l’être humain. Traversé par elle, qui est le Logos, l’homme devient dia-logue. Car le dialogue est né dans le cœur de Dieu ; et il y conduit (p.105).

Dans Ecclesiam suam, dont le livre donne de larges extraits, Paul VI affirme que « le dialogue doit être choisi par l’Église comme sa manière d’être en relation aujourd’hui avec le monde, parce qu’il est le lieu de la relation de l’homme à Dieu ». Affirmation qui n’est pas sans conséquence sur la notion de vérité, elle-même. Car dans le dialogue « se découvrent des éléments de vérité, aussi dans les opinions des autres ». Dès lors  « le climat du dialogue, c’est l’amitié. Bien mieux, le service » (voir pp. 86 et 90). Ainsi compris, le dialogue ouvre à l’autre, et nous fait accéder à sa reconnaissance comme frère, et ensemble comme fils dans une commune humanité.

C’est dans cet esprit que Paul VI institue dès 1964 le Secrétariat pour les non-chrétiens, devenu en 1988 Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux. Et dès la fin du concile, Paul VI quitte les frontières du Vatican et parcourt le monde, il rencontre les religions du monde, dialogue avec elles, promeut la paix jusqu’aux Nations Unies[3].

Les développements consacrés au pape François sont plus brefs. Mais ils montrent comment – – grâce notamment à la continuité entre l’action de Paul VI et celle de ses successeurs dont  Jean-Paul II – le choix du dialogue et la rencontre des autres religions se sont affirmés désormais comme des marqueurs essentiels de la relation de l’Église au monde. Et c’est au pape François qu’est revenu de mettre en actes le lien fort entre dialogue et amitié, dialogue et service, postulé par Paul VI.

Le pape François prolonge cette option de « décentrement de l’Église », cet engagement dans le « dialogue du salut » comme écoute de l’autre, différent, pauvre, opprimé. La   Déclaration sur la fraternité humaine qu’il a signée à Abou Dabi, le 4 février 2019, avec le Grand Imam d’Al-Azhar – postérieurement donc à la publication du livre de T. M. Courau – le confirme en tous points[4]: du dialogue naît la fraternité, l’engagement au service des hommes et des femmes, et pour la paix.

Ce livre fait œuvre nécessaire, à la fois d’histoire et de théologie. Un jalon précieux pour nous (re)mettre en mémoire l’importance des changements, dans la relation de l’Église au monde, qui ont marqué le 20ème siècle. Mais aussi pour éclairer la profonde continuité d’un siècle à l’autre, du pape Paul VI au pape François, dans le choix fait pour une « civilisation de la rencontre et du dialogue ». Dans l’ouverture aux autres, tous les autres, dans leur vérité et leur diversité.

Bertrand Wallon

 

[1] La succession des exercices vers l’Éveil bouddhique / Thierry-Marie Courau.- Cerf, 2017

[2] Re-lire Ecclesiam suam

[3] Cf. Discours du pape Paul VI à l’ONU, le 04/10/1965

[4] Cf.  Document sur  La fraternité humaine. Pour la paix mondiale et la coexistence commune.

Il est vivement recommandé d’en effectuer la lecture dans l’édition qu’en a faite Salvator (88 p.-7€50). Voir la recension de cette publication sur le site Chrétiens de la Méditerranée.