Titre
Les coptes d’EgypteSous titre
Violences communautaires et transformations politiques (2005-2012)Auteur
Laure GuirguisType
livreEditeur
Karthala, octobre 2012Collection
Terres et Gens d’IslamNombre de pages
312 p.Prix
28 €Date de publication
12 novembre 2013Les coptes d’Egypte
L’Égypte est « une société confessionnelle ». Laure Guirguis pose ce postulat dès le début de son introduction signifiant par là « que l’appartenance religieuse détermine la possibilité, les modalités et les limites de toute relation interindividuelle, professionnelle, sociale et politique, ainsi que des rapports entre l’individu et les institutions étatiques ». Le cadre de son livre est posé ; il est structuré en trois parties :
La première partie s’intéresse aux violences confessionnelles contre les coptes, issues pour la plupart de groupes islamo-terroristes (suite à la réactivation des mouvements islamiques à l‘instigation de Sadate) qui, depuis les années 1970 sont devenues « un fait récurrent et caractéristique de la société égyptienne ». Ces violences, ayant souvent comme point de départ une querelle locale ou une romance interreligieuse, exacerbèrent les tensions existantes surtout quand elles ne furent quasiment jamais condamnées par une autorité judiciaire.
L’auteure s’interroge ensuite sur la place des coptes dans l’identité nationale, place difficile à situer dans la mesure où elle ne peut s’inscrire que dans une identité islamique, seule expression de l’identité égyptienne. D’où les discours lénifiants des autorités « les coptes et les musulmans sont tous frères et avant tout Égyptiens » ou l’ethnicisation de l’identité communautaire copte avec pour slogan « les coptes sont les descendants de pharaons ».
Laure Guirguis aborde enfin le problème de la conversion, à travers l’étude de plusieurs cas : musulmans convertis au christianisme ou coptes convertis à l’islam (souvent afin de pouvoir divorcer, le droit copte n’autorisant pas le divorce) mais désirant rejoindre la communauté chrétienne. Ils marquent la limite de l’égalité citoyenne des minorités dans la complexité des démarches et l’obstruction administrative.
La seconde partie se concentre essentiellement sur Chenouda III, décédé en 2012 après un patriarcat sans partage de 41 ans. Elle y analyse les mutations de la communauté copte et montre que « la transformation de l’espace ecclésial par Chenouda III redoubla la logique d’exclusion gouvernant l’ordre politique national et entérina la constitution du fait minoritaire ». Très politique, le patriarche sut s’imposer comme représentant unique des coptes auprès de Hosni Moubarak, rempart, à ses yeux, contre les Frères musulmans. En multipliant le nombre des prêtres il a tissé un réseau de pouvoir basé essentiellement sur des liens personnels. Il a, par ailleurs, développé profondément l’Eglise copte, en particulier au plan international à travers les diasporas.
Chenouda est mort peu après le début de la révolution : que restera-t-il de son œuvre quand aujourd’hui de plus en plus de jeunes remettent en cause les structures autoritaires mises en place. L’élection de Tawadros II, le 4 novembre 2012, apportera peut être des réponses.
La troisième partie montre que le pluralisme limité institué à la fin des années 90 avec le retour des Frères musulmans et autres mouvements islamistes a abouti à une nouvelle communautarisation de la vie politique posant à nouveau la question de la place des coptes dans le système institutionnel et politique égyptien tout en s’inscrivant dans un contexte de violences communautaires.
Quel sera l’avenir des égyptiens coptes ? Tawadros II a déclaré que la nouvelle constitution égyptienne en cours de rédaction devait englober tout le monde et que l’église copte d’Egypte s’opposerait à un texte qui ne s’adresserait qu’à une partie de la société. Mais la conclusion de l’auteure n’est pas vraiment optimiste : « Quelles que soient les transformations au sein de l’Église et de l’islam, en Égypte et dans l’aire arabe, elles ne conduiront pas, à court terme, à enrayer un ordre communautariste fondé par un principe d’exclusion qu’alimentent également des dynamiques transnationales extra-religieuses »
Le livre de Laure Guirguis, qui va au-delà de la période 2005-2012 indiquée dans son sous-titre, permet d’appréhender l’évolution de la communauté copte tout au long du XXe siècle au sein d’une société islamique en perpétuelle évolution. Très documenté, il intéressera principalement tous ceux concernés par l’Egypte, les coptes et plus généralement les chrétiens orientaux1. On peut cependant lui reprocher une formulation souvent très technique voire quelques fois absconse. Issu d’une thèse de doctorat, on regrettera que l’ouvrage ne soit pas accompagné d’outils éditoriaux : index, glossaire, chronologie, etc.
Francis Labes
Le livre a obtenu le prix spécial du jury 2013 de l’Œuvre d’Orient.
Prix du regard positif sur les chrétiens d’Orient.