L’Europe, terre de mission : vivre et penser la foi.

Ce gros livre a été d’abord écrit en allemand, fruit d’une série de cours et de conférences faites à la Fondation des anciens élèves de Joseph Ratzinger. Il a été ensuite traduit par Robert Kremer qu’il faut saluer, étant donné l’énorme travail accompli.

Ce volume est introduit par quelques pages lumineuses qui nous en donnent le sens.

Tout part de l’interrogation suscitée par le Discours du pape François au Parlement européen le 25 novembre 2014¹, où il souligne un grave manque de confiance de l’Europe en elle-même.

La question du théologien est ainsi énoncée : quelle peut-être la contribution de la théologie au dépassement de cette crise de confiance ?

À la suite de Benoît XVI à qui est dédié le présent ouvrage, le pape François en appelle à la mémoire historique et au retour fécond vers les racines de l’Europe. Elles ont en effet laissé de multiples traces dans notre système de valeurs. Mais c’est là justement, dans cette symbiose, que se développe cette crise de la manière d’être chrétien en Europe.

Car le mouvement d’émancipation du christianisme est très fort sur le continent depuis le XVIIIe siècle, et la multitude des mouvements migratoires ont ouvert un nouveau pluralisme religieux sur le continent. Mis dans une situation concurrentielle, les chrétiens réagissent avec moins de vitalité et d’énergie que jadis. Nous voici alors affrontés à l’alternative, décomposition ou réforme.

Comment dans cette situation témoigner de la confiance à déployer dans ces nouveaux « pays de mission » ? La thèse de l’auteur ouvre à une double prise de conscience : d’une part, revenir à « l’unique nécessaire » ; d’autre part, élaborer un nouvel humanisme qui sache concéder une place à l’autre. Pour le théologien Theobald, l’unique nécessaire s’articule autour de deux mots-clés, la sainteté et l’hospitalité. C’est une mise en œuvre moderne de la triade « foi, espérance et charité ».

L’auteur précise le cœur de sa méthode en introduisant le concept de « style », qui lui est si cher et auquel il a déjà consacré une véritable théologie systématique en deux volumes : Le christianisme comme style, publiés au Cerf en 2007². Il le définit comme « la manière d’habiter le monde » (p. 307). La foi a en effet comme lieu d’insertion le monde de la vie quotidienne, « galiléenne », de quiconque (p. 77). Dans cette ligne, le pape François lui-même, notamment dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium³, définit les contours de ce qui est au cœur de l’existence chrétienne dans nos sociétés.

Les quatre premiers chapitres traitent de la foi en Europe, du vide spirituel dans lequel nous vivons, du pluralisme religieux et de son potentiel de violence dans les états laïques, et des défis écologiques et transhumanistes. Le dernier et cinquième chapitre examine l’arrière-plan collectif et ecclésiologique de l’approche stylistique.

D’un point de vue méthodologique chacun des cinq chapitres commence par un bref regard sur la situation contemporaine avant de se confronter au potentiel d’avenir dessiné par le concile Vatican II qui forme l’arrière-fond de ce volume. Chaque chapitre se poursuit par une approche stylistique du sujet discuté. Pour pénétrer plus avant dans la pensée de Christoph Theobald, il faut donc savoir manier cette approche stylistique, qui est pour le théologien « le prolongement de la pastoralité du concile Vatican II, centré sur la dimension relationnelle » (p. 77).

Ces quelques lignes ont simplifié à outrance des pages d’une grande densité, d’une complexité foisonnante et parfois d’une réelle difficulté, à la fois dans l’analyse du monde où nous vivons et de son interprétation dans la foi. Car le théologien Theobald nous renvoie sans cesse de la réalité sociale du monde à sa lecture théologique à travers un style bien particulier qu’il importe d’apprivoiser.

Pierre de Charentenay

Notes de la rédaction