Titre
L’invention tragique du Moyen-OrientAuteur
Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud ; illustrations, Claire LevasseurType
livreEditeur
Paris : Autrement, février 2017Collection
Angles & reliefsNombre de pages
154 pagesPrix
18,90 €Date de publication
25 novembre 2017L’invention tragique du Moyen-Orient
Tout a commencé en 1916 : Mark Sykes et François-Georges Picot mettent au point un accord sur un partage du Moyen-Orient autour d’une ligne de partage allant d’Acre à Kirkouk : au nord, les territoires sont sous le contrôle de la France, au sud, sous celui de la Grande-Bretagne que la Société des Nations (SDN) charge respectivement d’administrer sous la forme d’un mandat[1].
Les Français, dès 1920, créent trois Etats, Le Grand Liban, Alep et Damas ainsi que le territoire autonome des Alaouites auxquels est joint le Djebel druze (1921). Ces différents territoires seront réunis sous le nom d’Etat de Syrie en 1925. La France quittera définitivement la Syrie en 1946.
La Grande-Bretagne par une manœuvre diplomatique a réussi à mettre la main sur le Vilayet de Mossoul (français) et sur la Palestine alors sous contrôle international. Par la déclaration Balfour de 1917, les Anglais s’étaient déclarés favorable à « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Cet engagement les conduira à séparer la Palestine de la Mésopotamie et, pour éviter les troubles pouvant naitre du nationalisme arabe, à créer un espace tampon : la Transjordanie. Et la Mésopotamie deviendra l’Irak.
Pourtant, à tous ces peuples qui ont contribué à la défaite de l’Empire ottoman, on avait promis l’autonomie voire l’indépendance (déclaration franco-britannique de novembre 1918). Désormais la tragédie du Moyen-Orient peut commencer.
Entre les deux guerres les mouvements nationalistes, souvent freinés par des sociétés encore trop traditionnelles, engendreront de multiples révoltes toujours écrasées par les puissances dominantes. En Palestine, les affrontements entre arabes et britanniques se multiplient mais visent aussi les colonies juives.
L’Irak, le Liban et la Syrie obtiendront leur indépendance respectivement en 1932, 1943 et 1946. Mais le modèle de l’Etat-nation pouvait-il s’appliquer à ces nouveaux pays ? Cela semblait difficile dans des régions à très forte polarisation communautaire et religieuse : arabes chiites ou sunnites, kurdes, turkmènes, druzes, alaouites, chrétiens, juifs, yézidis… se répartissent sur les trois territoires. Israël sera créé en novembre 1947 : la résolution 181 de l’ONU prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe…
L’après-guerre, avec son lot de conflits et de guerres civiles – soutenus en sous-main par les deux grands courants de l’Islam (sunnisme et chiisme) -, a débouché, malgré quelques épisodes démocratiques, sur la prise en main par des régimes forts puis sur la dictature, dans les années 1970, en Syrie (Hafez el Assad) et en Irak (Saddam Hussein). Le Liban a sombré dans la guerre civile avec l’arrivée des réfugiés palestiniens (1975-1990) puis a connu ensuite une longue période de relative stabilité. Durera-t-elle ?
De cette reconfiguration du Moyen-Orient commencée en 1916 que reste-t-il ? : « Des Etats sans vraie nation (…), des peuples sans Etat (Kurdes et Palestiniens) », la guerre civile, le terrorisme et l’ingérence directe ou indirecte mais permanente des puissances étrangères.
Pierre Blanc, enseignant-chercheur en géopolitique et Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités et directeur de l’iReMMo (Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée Moyen-Orient) livrent avec L’invention tragique du Moyen-Orient une analyse, courte mais approfondie, du chaos moyen-oriental en le mettant dans une perspective longue de l’histoire[2]. De plus, le livre est accompagné de cartes et infographies qui illustrent le propos des auteurs, sans être toujours convaincantes.
Francis Labes
[1] Selon l’article 22 du Pacte de la SDN, le mandat s’applique à des territoires « qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes ».
[2] Ecouter le point de vue de Laurent Joffrin (Libération) et Guillaume Perrault (Le Figaro) dans l’émission Le club des idées, France Inter, 18/06/2017 (10 mn)