Titre

Mandela et Gandhi

Sous titre

La sagesse peut-elle changer le monde ?

Auteur

Éric Vinson, Sophie Viguier-Vinson

Type

livre

Editeur

Paris : Albin Michel, janvier 2018

Nombre de pages

281

Prix

18 €

Date de publication

18 septembre 2018

Mandela et Gandhi

Comme les auteurs l’annoncent dans l’introduction, cet ouvrage  n’est pas une biographie de l’un ou l’autre des deux artisans de la non-violence, de la tolérance et de la paix que furent le Mahatma Gandhi et Nelson Mandela.

Il s’agit selon eux « d’un essai  de pensée politique, qui veut comprendre ces deux géants et ce qui les rapproche ou non, essentiellement à partir de ce qu’ils ont dit d’eux-mêmes ».

Ils s’attachent  tout d’abord à relever une série de concordances qui à trente années de distance relient l’Indien et le Sud-Africain : leurs enfances respectives dans des sociétés traditionnelles – Gandhi au sein de la caste Modh Bania  et Mandela d’une famille Xhosa -, leurs formations occidentales qui leur ont conféré une double culture, l’exercice de la profession d’avocat, leurs engagements respectifs sur la terre d’Afrique du Sud contre discrimination  puis apartheid, enfin  le rôle essentiel que jouèrent leurs longues années de détention dans l’évolution de leurs personnalités comme de leurs idées.

Le cheminement  de leurs pensées face à la brutalité du régime ségrégationniste constitue précisément l’un des chapitres (L’escalade de la non-violence) les plus intéressants de l’ouvrage  dans lequel les auteurs montrent comment l’un puis l’autre sont parvenus à inventer des stratégies originales pour lutter contre l’appareil de répression Sud-Africain, en se référant notamment à leurs cultures identitaires .

C’est dans ce contexte que Gandhi élabora une philosophie de vie et de lutte contre l’injustice intitulée « Satyagraha[1] » fondée  sur une discipline individuelle de maîtrise de soi qui rejette la violence et privilégie la désobéissance civile comme arme de la lutte.

De son côté, Mandela nourri d’influences plus diverses, fut tenté, aux pires moments de l’apartheid, par la lutte armée et la clandestinité ce qui fournit le prétexte à l’emprisonner pendant vingt-sept ans.

L’un des chapitres les plus poignants de l’ouvrage décrit le développement de sa personnalité et de sa pensée au cours de cette période interminable de détention. Se ressourçant à l’esprit d’ubuntu[2] qu’il décrit comme « le sentiment profondément africain d’appartenir à l’humanité grâce à l’humanité des autres » ainsi qu’aux principes élaborés par Gandhi lui-même, il se forgea une personnalité capable d’endurer l’enfermement dans la dignité et l’espoir et conçut une forme de lutte politique qui le conduisit  sans cesse à chercher à endiguer la violence et à préserver l’unité de son pays, évitant ainsi le carnage que des dizaines d’années  d’injustices et de brutalités avaient rendu quasi inévitable.

L’ouvrage est en revanche peu disert sur la période de gouvernance de Mandela qui, âgé, n’accepta qu’un seul mandat de cinq ans. Il aurait  été intéressant d’étudier la confrontation des principes posés par les deux grands hommes avec la périlleuse gestion d’un pays meurtri par quarante ans d’apartheid.

On  regrettera aussi  que, pour servir leur démonstration, les auteurs n’aient pas analysé ce qui, au-delà de certaines convergences, différenciaient fondamentalement les deux leaders dans leurs origines, leurs spiritualités et aussi leurs idéaux.

Les derniers chapitres  sont consacrés à dresser un bilan de leurs actions et de leurs pensées.

A cette occasion l’ouvrage se demande, à juste titre, si satyagraha et ubuntu pourraient aujourd’hui encore permettre de combattre  des situations de violence et d’injustice voire constituer une nouvelle voie vers un « futur réalisable » pour répondre aux défis inédits de notre temps.

Au-delà du respect  universel que Gandhi et Mandela suscitent, se pose en effet la question de l’actualité de leur enseignement.

Bernard Ughetto

 

[1] Cf. Texte de Gandhi sur le Satyagraha et autres textes de référence sur la non-violence.

[2] Cf. Ubuntu (Philosophie)