Qatar, les secrets du coffre-fort

Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont deux journalistes spécialistes du Moyen Orient depuis le milieu des années 80. Christian Chesnot est grand reporter au service étranger de France Inter et Georges Malbrunot tient un blog au Figaro. Georges Malbrunot habite en Irak depuis 2003 (source Wikipédia).

Ils ont écrit plusieurs ouvrages “à quatre mains”. Ils ont en commun une expérience dramatique : 124 jours de détention après leur enlèvement – le 20 août 2004, avec leur chauffeur syrien – par l’Armée islamique en Irak.

Fruit d’une collaboration ancienne, l’ouvrage qu’ils signent se lit comme un roman. Une table des matières détaillée, placée en fin de livre, permet de bien suivre la progression de leur présentation. La lecture n’est pas alourdie par des notes en bas de page mais les sources sont souvent citées.

Le projet du livre est de montrer comment le Qatar, pays de faible superficie mais troisième producteur mondial de gaz naturel, a l’ambition de tenir une place de premier plan sur l’échiquier international.

Pour les auteurs, l’histoire du Qatar bascule dans la modernité, en 1995, par le coup d’état qui permet à l’émir Hamad de détrôner son père l’émir Khalifa. Trois personnages clés se mettent en place : la deuxième épouse de Hamad, Moza ; Hamad Bin Jassem, le premier ministre ; et Tamim, l’héritier désigné.

Au delà de ce trio, se trouve une société très structurée, à la limite de l’apartheid,  avec des écarts de revenus et de statuts très importants. Grâce aux énormes revenus provenant de la rente gazière, l’émir s’efforce de mener un programme important d’investissements immobiliers (les douze travaux de l’émir ch.4) et d’avoir une influence internationale à la fois économique (racheter le monde ? ch. 11) et politique (Qatar en guerre et entrisme international ch. 9 et 13).

Dans ces programmes, l’argent est omniprésent (voir les passages édifiants sur la “French Qatari Connection” ch. 10). Mais la logique de l’honneur (pour employer le vocabulaire de Ph. d’Iribarne) l’emporte parfois sur la logique de l’argent et le Qatar en a fait l’expérience…

Le livre présente avec beaucoup de clarté la stratégie géopolitique de l’émir et de son entourage. Néanmoins, le sous-titre retenu, “les secrets du coffre-fort” éveille chez le lecteur des attentes partiellement déçues. On aimerait en savoir plus sur la manière dont est alimenté et structuré le “coffre-fort” : les liens entre ses différents compartiments (l’argent de la famille et l’argent de l’État par exemple).

A noter enfin que le livre est écrit avant l’abdication d’Hamad au profit de son fils, survenue le 25 juin 2013. Tamim n’a pas le parcours de son père qui a dû conquérir et arracher le pouvoir. Poursuivra-t-il la politique ambitieuse de son prédécesseur ? L’avenir est ouvert.

Yves Dupuy