Titre
Relations islamo-chrétiennes en MéditerranéeSous titre
Entre dialogue et crispationAuteur
Rémi CaucanasType
livreEditeur
Presses Universitaires de Rennes, 2015Nombre de pages
261 p.Prix
19 €Date de publication
8 octobre 2015Relations islamo-chrétiennes en Méditerranée
L’ouvrage traite de l’histoire des relations islamo-chrétiennes à partir de la Deuxième Guerre mondiale, période qui verra la fin de la colonisation et le temps de la décolonisation, puis, en 1965, la publication de la déclaration conciliaire Nostra Aetate[1] qui marquera un véritable tournant dans le regard porté par l’Église sur les autres religions, en particulier sur l’islam. L’ouvrage reprend partiellement la thèse d’histoire de son auteur, Rémi Caucanas, aujourd’hui directeur de l’Institut catholique de la Méditerranée.
Sous le titre générique de « Relations islamo-chrétiennes », l’auteur s’attache, dès l’introduction, à nous entretenir principalement du « dialogue islamo-chrétien » qu’il situe à cinq niveaux : dialogue institutionnel, dialogue académique, dialogue des œuvres, dialogue de vie et dialogue contemplatif. Rémi Caucanas montre bien que le dialogue est difficile, fait de bien des aléas, entravé par les desseins politiques et économiques, par les situations internationales. Ne faudrait-il pas alors parler de l’histoire de deux cultures, façonnées par deux religions, qui apprennent à se connaître à travers de multiples rencontres, institutionnelles et politiques, mais aussi et principalement existentielles ?
La période immédiate d’après-guerre, avec la première vague de travailleurs immigrés et les derniers soubresauts de la colonisation, ouvre sur de nouveaux enjeux ; en 1965, le texte conciliaire Nostra Aetate de Vatican II est l’acte fondateur d’une nouvelle attitude de l’Église à l’égard de l’islam. Cette période est celle d’un bouillonnement intellectuel autour de l’idée de Méditerranée et d’échanges entre intellectuels chrétiens ou non et musulmans. Mais au lendemain de la décolonisation, les intérêts politiques reprennent le dessus et l’idée de Méditerranée, grand espace historique et culturel, est mise à mal.
Quelques décennies plus tard, le 27 octobre 1986, le Pape Jean-Paul II invite les représentants des grandes religions à « une journée interreligieuse mondiale de prière pour la Paix »[2]. Le contact international du moment et les grands bouleversements géopolitiques qui suivront offriront paradoxalement une opportunité d’approfondissement du dialogue islamo-chrétien.
L’ouvrage présente un vaste panorama s’étendant sur plus d’un demi-siècle de relations et d’événements, en s’appuyant sur une abondante documentation. On appréciera les nombreuses références citées. L’auteur, s’il s’attache à montrer les avancées et les chemins d’espérance, ne cache pas les difficultés rencontrées par ceux – religieux, laïcs et Église institutionnelle – qui, ayant perçu que l’avenir était dans la rencontre avec le monde musulman, se sont lancés dans l’aventure. Dans ce contexte, il donne bien à voir la primauté du politique et de l’économique, l’impact des bouleversements géopolitiques et les pièges d’une instrumentalisation du religieux toujours possible.
Compte tenu de l’ampleur du sujet, Rémi Caucanas a choisi d’explorer les « relations islamo-chrétiennes en Méditerranée » à travers le prisme de l’Église catholique, en s’intéressant principalement aux initiatives des Papes et aux apports du Vatican durant ces dernières décennies, ainsi qu’au travail de fond d’un certain nombre de théologiens et d’acteurs chrétiens.
Un des aspects du livre qui mérite d’être souligné est l’exploitation des quarante années d’archives du Secrétariat pour les Relations avec l’Islam de la Conférence des Évêques de France (SRI). L’auteur puise aussi abondamment dans les archives du diocèse de Marseille, ville qui est à ses yeux un véritable « laboratoire interculturel et interreligieux ».
Le livre intéressera le lecteur souhaitant trouver là une documentation complète sur le développement des relations islamo-chrétiennes d’après-guerre. Cependant, compte tenu des nombreuses dates et références, la lecture réclame une certaine attention. Le lecteur, plus au fait du sujet, appréciera d’y trouver des informations peu connues sur l’activité de l’Église de France à partir de 1975.
Louis Boulanger
[1] Déclaration conciliaire sur L’Église et les religions non chrétiennes promulguée le 28 octobre 1965.
[2] On pourra lire, dans La Croix, le témoignage du Cardinal Etchegarray sur l’histoire de cette rencontre