Titre

S’il n’en reste qu’une

Sous titre

Roman

Auteur

Patrice Franceschi

Type

livre

Editeur

Paris : Bernard Grasset, 2021

Nombre de pages

236 p.

Prix

19,50 €

Date de publication

13 mars 2022

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S’il n’en reste qu’une

L’intrigue romanesque est plutôt banale : Rachel Casanova, une journaliste, signature connue et reconnue d’un grand journal australien, se rend compte, l’âge venant, qu’elle s’est laissée gagner par la routine de l’actualité, et qu’elle n’a rien laissé de profondément marquant.

Un événement va bouleverser sa vie, et la pousser à rompre avec la monotonie de son existence professionnelle. Son journal l’envoie en Syrie, afin de couvrir le combat des Kurdes du Rojava, le Kurdistan syrien, situé au nord et à l’est du pays.

Sur place, la reporter découvre, au cimetière de Kobané, une tombe. Deux femmes, deux combattantes kurdes, tuées le même jour y reposent côte à côte. Intriguée, la reporter décide alors de raconter leur histoire, et se lance sur les traces de ces deux femmes kurdes, vivant dans un pays arabe… Femmes et Kurdes en Syrie ! Deux obstacles que les deux héroïnes vont devoir affronter.

C’est là que réside tout l’intérêt du livre de Patrice Franceschi, un écrivain baroudeur, qui non seulement possède une connaissance parfaite du terrain et de la question kurde1, mais qui est aussi engagé dans la cause de ce peuple, trompé depuis plus d’un siècle par la réalpolitik occidentale, qui lui promet, en vain, un territoire et une indépendance2.

A travers le périple de Tekochine et Gulistan, qui luttent armes à la main contre les hommes de l’Etat islamique (EI), c’est toute l’histoire et l’extraordinaire courage de ces combattantes que l’auteur raconte. Fondés en 2013, ces bataillons de l’Unité de protection des femmes, les YPJ, ont participé à la libération des grandes villes du Kurdistan syrien. Kobané et Tall Abyad en 2015, Raqqa en 2017. Beaucoup de femmes y ont laissé leur vie, préférant, pour certaines, se suicider plutôt que de tomber aux mains des islamistes, et de devenir martyres à un âge où la vie leur tendait les bras.

Un récit qui transporte les lecteurs dans la réalité du peuple kurde, victime non seulement de l’islam radical prôné par Daech ou Al-Qaïda, mais ostracisé aussi par les régimes de dictature des pays voisins, et par la communauté internationale, qui préfère détourner les yeux. C’est toute l’injustice subie par ce peuple, qu’il soit d’Irak, d’Iran, de Turquie ou de Syrie.

Le point d’orgue de ce récit tient dans le quotidien de ces Yapajas, ces femmes du front, que Patrice Franceschi décrit avec la précision de celui qui les a côtoyées. Il montre leur courage, leur sens du combat et de la discipline ; l’attachement qu’elles portent à leur culture, à leur territoire ; leur audace, leurs amitiés, leur tristesse, leurs blessures, leurs peurs.

Des anonymes, souvent très jeunes, qui sacrifient leur vie pour construire une Syrie fédérale, laïque et ouverte sur le monde, où hommes et femmes agiront ensemble. Des parcours exemplaires qui “interdisent la médiocrité”, écrit l’auteur.

Marquée par son reportage, Rachel Casanova démissionnera de son poste, sans laisser de traces.

Luc Balbont

Administrateur de CDM

Notes de la rédaction

1 Lire la recension ci-contre de l’essai du même auteur : Avec les Kurdes.- Gallimard, 2020.- (Tracts ; n°16)

2 Sur les Kurdes, on pourra lire aussi :

Kurdes, les damnés de la guerre / Olivier Piot ; préface de William Bourdon.- Paris : Les Petits matins, 2020.- nouvelle éd. enrichie et actualisée.- (Essais ; 64)

Les Kurdes en 100 questions : un peuple sans État /Boris James, Jordi Tejel Gorgas.- Paris : Tallandier, sept. 2018.- (En 100 questions)

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