Titre

Sociologie de Jérusalem

Auteur

Sylvaine Bulle ; avec la participation de Yann Scioldo-Zürcher

Type

livre

Editeur

Paris : La Découverte, 2020

Collection

Repères : sociologie ; 743

Nombre de pages

126 p.

Prix

10 €

Date de publication

3 février 2021

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Sociologie de Jérusalem.

Difficile de parler de Jérusalem sans évoquer son passé plus de trois fois millénaire : cananéenne jusqu’à 1000 avant J.-C., elle devient israélite avec David et sa descendance qui y construisent le premier temple. Occupée par les Égyptiens, les Babyloniens (VIe siècle avant J.-C.), les Perses, les Grecs séleucides, les Romains et les Byzantins, elle se videra de ses occupants originels dès les premiers siècles de notre ère ; conquise par les Arabes au VIIe siècle, puis par les croisés, elle devient ottomane et s’endort pour quelques siècles.

Avec la création de l’État d’Israël en 1948, elle est partagée en deux : la partie occidentale revient aux Israéliens, la partie orientale, dont la vieille ville, aux Palestiniens. Deux municipalités sont installées. Mais en 1967, avec la guerre des 6 jours, Jérusalem est unifiée et devient dans sa totalité la capitale d’Israël. Le 28 juin la municipalité arabe est dissoute.

Aujourd’hui, qu’en est-il ? Jérusalem est-elle réellement unifiée ?

Malgré l’affirmation répétée par les gouvernements successifs israéliens, la ville est profondément divisée : divisée, bien sûr, territorialement par la “Ligne verte” instaurée en 1948 et la barrière de sécurité créée en 2004 mais aussi sur le plan ethnique et social, économique et religieux (cela au sein même de la religion juive elle-même). Juifs israéliens et Palestiniens israéliens vivent dans Jérusalem-Ouest et les Palestiniens arabes, natifs ou résidents, dans Jérusalem-Est qui jouit d’un statut particulier.

Ville la plus peuplée d’Israël, Jérusalem, en 2017, compte 901 300 habitants : 61 % de juifs, 36 % de musulmans et 2 % de chrétiens. La population juive croît moins vite que la population arabe même si ce rapport s’inverse peu à peu à cause des ultra-orthodoxes qui prônent la non-limitation des naissances (30 % des ménages comptent plus de 7 enfants).

Entre ces groupes, la mixité est quasi inexistante, mais aussi à l’intérieur de la population juive selon l’origine ethnique (ashkénazes, séfarades, éthiopiens, etc.) ou religieuse (réformistes, orthodoxes, ultra-orthodoxes…) de ses membres. Aujourd’hui la ville connait un solde migratoire négatif : départs aux motifs religieux, économiques ou sécuritaires s’inscrivant dans le contexte d’un conflit israélo-palestinien larvé mais toujours présent.

Un développement séparé et inégal s’est opéré à Jérusalem avec des empiètements israéliens dans des zones situées au-delà de la “Ligne verte”. L’Ouest, bénéficiant de la mise en valeur touristique de vestiges historiques, s’est considérablement modernisé, en particulier avec un immobilier de luxe, aboutissant à une gentrification de la ville. En outre, l’appropriation de l’espace public par les ultra-orthodoxes, peu propice à un rapprochement social ou ethnique, conduit régulièrement à la fermeture des rues à la circulation, pendant le shabbat, dans plusieurs quartiers de la ville ou au refus de la mixité dans les transports en commun.

Depuis deux décennies, l’influence politique des religieux s’est accélérée ; la mairie est aujourd’hui dominée par les partis orthodoxe, ultra-orthodoxe et fondamentaliste : la religion “demeure sans cesse inscrite dans les choix publics, notamment scolaires, démographiques, spatiaux et culturels” avec pour conséquence un déséquilibre excessif dans la répartition du budget de la ville : Jérusalem-Est reçoit environ 10 % du budget municipal ce qui accentue la “périphérisation”1 de la ville.

Constat technique et critique, étayé par de nombreuses cartes, statistiques récentes et références bibliographiques, Sociologie de Jérusalem de Sylvaine Bulle, chercheuse au CNRS, dresse aussi un portrait saisissant mais nécessaire de Jérusalem qui n’a pas su prolonger l’équilibre précaire de 1948 entre les deux parties de la ville et les deux peuples qui l’habitent.

Francis Labes

Note de la rédaction

1 Ce néologisme, employé par l’auteur, illustre le titre du ch. 5 : Jérusalem-Est : une tiers-ville (p. 95)

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