Titre

Syrie, le pays brûlé

Sous titre

Le livre noir des Assad (1970-2021)

Auteur

Sous la direction de Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Naïla Mansour, Farouk Mardam-Bey

Type

livre

Editeur

Paris : Seuil, sept. 2022

Nombre de pages

827 p.

Prix

35€

Date de publication

22 juin 2023

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Syrie, le pays brûlé : le livre noir des Assad (1970-2021).

C’est l’histoire d’un pays martyr, victime d’un clan tribal – le régime des Assad père et fils-, et d’une idéologie religieuse morbide, l’extrémisme musulman. Deux dictatures sanglantes qui s’appuient l’une sur l’autre pour écraser les velléités démocratiques du peuple syrien.

Pour retracer ce drame, un politologue né à Damas, Farouk Mardam-Bey1, une universitaire, spécialiste des génocides, Catherine Coquio, un juriste, fondateur du Comité Syrie-Europe, Joël Hubrecht, et une universitaire syrienne réfugiée en France, Naïla Mansour, ont rassemblé et commenté des récits, des analyses politiques, et des témoignages déchirants de Syriens qui ont subi dans les prisons du régime, ou dans les régions tenues par les islamistes, les pires atrocités : enlèvements, insultes, exécutions sommaires, tortures et viols.

Et pourtant ! Au début de ce soulèvement populaire en mars 2011, cette révolution, avant tout citoyenne, se targuait d’être pacifique. Mais vite débordé par un mouvement de contestation qui se propageait dangereusement, remettant en cause sa survie, le clan Assad confessionnalisa la guerre, en libérant des centaines de détenus islamistes de ses prisons, rejoints peu à peu par un grand nombre de djihadistes venus des pays musulmans voisins et d’Occident. A la fin de l’année 2011, le pays était à feu et à sang.

Un champ de ruines, c’est ce que la Syrie est devenue. La guerre qui se poursuit encore en 2023, affiche un bilan effrayant (sans doute provisoire) : entre 350 000 et 500 000 morts, selon les sources, plus d’un million de blessés et 13 millions de déplacés ou de réfugiés, soit 60% de la population syrienne totale.

Plus de 80 contributeurs reconnus pour la qualité de leur expertise ont collaboré à ce livre. Il serait injuste d’en citer quelques-uns, en oubliant les autres, tant leurs textes apportent tous une richesse indispensable pour comprendre l’histoire de la Syrie, mais aussi celle de ce Proche-Orient si complexe. En posant par la même occasion des questions sur la cruauté des hommes.

Au fil de la lecture, on mesure l’importance de la tribu et du clan familial, qui minent ces pays de la région. Le clan Assad ne défend pas un État laïc et citoyen comme il l’avance, mais protège d’abord sa tribu alaouite, une religion chiite minoritaire, au pouvoir depuis 1971, qui préfère massacrer son peuple plutôt que de perdre ses privilèges.

Si les textes des différents politologues, orientalistes, spécialistes et journalistes étrangers, -français notamment ayant couvert le conflit-, sont prépondérants2, les voix de ces Syriens anonymes qui racontent les drames qu’ils ont endurés sont bouleversants.

Poignants ces témoignages du massacre de Hama en 1982, et ses fosses communes remplies de corps anonymes.

Révoltante cette description des Chabbihas, milice aux ordres du régime composée de repris de justice et de désœuvrés poussés à la violence.

Terrifiants ces textes qui décrivent les prisons de Hafez al-Assad et de son fils Bachar, où les sbires du régime torturent des hommes, des femmes et des enfants.

Insoutenables ces exécutions de masse à Saidnaya, et ces photos de corps mutilés, du photographe César.

Terrifiants cette vie quotidienne à Raqqa – la capitale syrienne de Daëch-, et l’enrôlement des enfants dans l’armée de l’État islamique.

Cauchemardesques le récit de cette femme yézidie – esclave sexuelle aux mains de l’État islamique-, et ces assassinats d’hommes qui refusaient de se convertir à l’islam.

Et ces enfants touchés par des bombes au gaz sarin dans la plaine de la Ghouta, non loin de Damas ! Et que dire des mensonges du pouvoir syrien et du silence de l’Occident ? Damas vend le pays à ses alliés russes et iraniens et justifie aujourd’hui ses crimes, en affirmant que ce combat était avant tout dirigé contre l’État islamique et non contre les populations civiles.

Une lecture à laquelle il faut s’accrocher, tant l’émotion est souvent paralysante. Combien de fois, le lecteur que je suis a dû reposer le livre pour fuir l’insupportable, avant de le rouvrir à nouveau non sans angoisse.

Pourtant, au-delà de l’émotion, “Syrie, le pays brûlé” est un authentique morceau d’histoire, une leçon de vie, dans l’espoir que les criminels seront un jour jugés, grâce à ces citoyens qui ont eu le courage de filmer l’horrible, pour que l’on n’oublie jamais.

Luc Balbont

Administrateur de CDM, habitant au Liban

Reporter pour L’Œuvre d’Orient 3

Notes de la rédaction

1 Cf. l’émission Histoire desur France Inter du 19/02/2022, sur : Les logiques de la guerre russe contre l’Ukraine sont-elles nées en Syrie ? (35 mn) où Patrick Boucheron recevait Farouk Mardam-Bey, co-auteur de Dans la tête de Bachar Al-Assad  et Manon-Nour Tannous, auteur de La Syrie au-delà de la guerre : histoire, politique, société

2 Cf. Bibliographie de Christian Lochon et liste des ouvrages sur la Syrie dont les recensions ont été publiées sur ce site.

3 A lire sur le blog de Luc Balbont :  A la rencontre des chrétiens syriens, reportage à Damas, été 2016.

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