Titre

Témoins de l’à-venir

Sous titre

Charles de Foucauld, Louis Massignon, Christian de Chergé

Auteur

Christian Salenson

Type

livre

Editeur

Marseille : Publications Chemins de Dialogue, févr. 2021

Nombre de pages

318 p.

Prix

20 €

Date de publication

2 mai 2021

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Témoins de l’À-venir : Charles de Foucauld, Louis Massignon, Christian de Chergé

Voici un livre attendu ! Car voilà maintenant plusieurs années, voire plusieurs décennies que Christian Salenson travaille sur les figures respectives de Charles de Foucauld, Louis Massignon et Christian de Chergé. Au fil de ses nombreux ouvrages et articles, l’ancien directeur de l’Institut de Sciences et Théologie des Religions (ISTR) de Marseille nous invite régulièrement à réfléchir sur le sens de la mission. On se souvient bien sûr du lumineux Christian de Chergé. Une théologie de l’espérance1 (Bayard, 2009). Et l’an dernier, Christian Salenson nous donnait à lire Cette Église révélée par les martyrs d’Algérie. Retraite à Tibhirine2 (Nouvelle Cité, 2020), nous orientant sur les chemins de dialogue arpentés par les dix-neuf religieuses et religieux morts durant la guerre civile qui ensanglanta l’Algérie dans la décennie 1990.

Fruit d’une maturation intellectuelle et spirituelle longue et profonde, Témoins de l’à-venir : Charles de Foucauld, Louis Massignon, Christian de Chergé nous entraîne donc encore un peu plus loin sur cet axe de réflexion si cher à son auteur, au carrefour de la théologie de la mission, de la théologie des religions, de l’ecclésiologie et de l’histoire contemporaine de l’Église dans son rapport à l’islam.

Quatre grandes parties structurent cet ouvrage. Partant des trajectoires de chacun, les trois premières parties sont dédiées respectivement aux trois héros de la cordée annoncée dans le titre. Mais, de manière fort heureuse, l’ouvrage ne se fixe pas sur le genre biographique, Christian Salenson préférant réfléchir sur le sens des “courbes de vie” présentées ici et sur le “choc de l’islam” qui, sur ces lignes, occupe le centre de sa réflexion. Car ce qui intéresse l’auteur, c’est de mettre en perspective la trajectoire de ces trois hommes et leur apport à un “nouveau paradigme missionnaire”, pensé comme une réponse à l’échec du modèle missionnaire issu de l’époque des Lumières.

Le renoncement à la conversion des musulmans, l’interrogation sur le temps de la mission qui relève de Dieu seul et non des hommes, l’annonce de la fraternité qui ne se réduit pas à un simple humanisme et, finalement, l’appel à sa propre conversion sont autant d’interpellations qui surgissent ainsi de la trajectoire de Foucauld, comme, de différentes manières, de celles de Louis Massignon et Christian de Chergé.

Promoteur d’une compréhension interne de l’islam, Louis Massignon a ainsi posé les soubassements d’un renouvellement de la connaissance de l’islam et de la théologie chrétienne de l’islam. Pour lui, “il ne fait aucun doute que l’islam a une place dans le dessein divin du salut” (p. 146). Ses intuitions mystiques le poussent aussi à interroger la mission qui, comme le montre l’expérience de la Badaliya,3 est appelée selon lui à passer par l’intercession, soit “une attitude compatissante de communion à l’autre” (p. 179).

La communion, et plus précisément une certaine approche de la communion des saints inspire, dans un autre contexte, Christian de Chergé. La vocation algérienne de ce troisième témoin est le cadre de sa rencontre avec l’islam et avec la foi des croyants de l’islam qui “n’était pas un simple objet d’étude” mais qui, chez lui, “devint vitale” : “elle ne fit pas de lui un islamologue. Elle en fit un témoin du dialogue du salut” (p. 192).

Habilement mises elles-mêmes en dialogue, ces trois vocations permettent à Christian Salenson de proposer, dans une quatrième et dernière partie, “quelques éléments pour un nouveau paradigme missionnaire”. Car, si “la prise en compte respectueuse de la pluralité n’était pas la question qui préoccupait le modèle missionnaire antérieur, elle est devenue une dimension majeure de la vie en société et de la mission” (p. 247).

A partir de ces trois témoins, Christian Salenson essaie donc d’abord de “recueillir quelques fondements d’une théologie de la mission” (p. 257), soulignant au passage que “l’enjeu de la mission n’est pas la reproduction de l’Église mais la relation des hommes avec la transcendance et la relation des hommes entre eux. Construire un paradigme missionnaire pour notre temps, c’est œuvrer essentiellement à l’avènement d’une autre civilisation, la civilisation de l’amour” (p. 262).

S’interrogeant plus loin sur le temps de la mission, l’auteur affirme qu’il “n’est pas le futur mais l’à-venir. L’accomplissement de la Communion en Dieu vient vers nous et la mission consiste à vivre de l’espérance de cet accomplissement en l’incarnant aujourd’hui dans la réalité des relations. Les trois témoins sont des témoins de l’à-venir. Ce qui peut paraitre un oxymore s’avère être une théologie de l’espérance” (p. 278).

Souvent interpellé par l’auteur, le lecteur habitué des écrits de Christian Salenson ne sera donc pas déboussolé par ce dernier ouvrage qui s’inscrit dans une continuité d’écriture : certains y trouveront des répétitions, d’autres des approfondissements, mais chacun y trouvera ces ressources salensoniennes si bienvenues pour embrasser l’Église et la société de notre temps.

Rémi Caucanas

Notes de la rédaction

1 Lire sa recension sur notre site : Christian de Chergé : une théologie de l’espérance / Christian Salenson ; préface de Mgr Jean-Marc Aveline.- Nouv. éd.- Paris : Bayard, 2016.- (Spiritualité)

2 Cette Église révélée par les martyrs d’Algérie. Retraite à Tibhirine / Christian Salenson.- Bruyères-le-Châtel : Nouvelle Cité, 2020

3 On lira la definition de la Badalya, dans la recension, par le fr. Jean-Jacques Pérennès, de : Louis Massignon, le “catholique musulman”, publiée sur notre site. Cf. aussi résumé du livre, indisponible actuellement, Badaliya : au nom de l’autre (1947-1962) / Louis Massignon.- Cerf, 2011.- (Patrimoines. Islam) sur le site de la librairie La Procure, de Poitiers

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