Terre de Dieu et des hommes

De plus en plus nombreux sont les pèlerins et les touristes qui se pressent en Terre sainte et l’on peut craindre que, du fait de la surcharge des programmes, de l’incompétence ou de la partialité de certains guides, beaucoup ne passent à côté de l’essentiel. Il faut dire qu’il s’agit d’une région du monde particulièrement bien compliquée. Il faut donc des clefs de lecture. L’ouvrage d’Olivier-Thomas Venard en offre un certain nombre et sur des registres variés.

L’ouvrage, il faut le dire, est constitué d’un ensemble d’articles écrits au fil des années par un religieux bibliste qui vit en Terre sainte depuis longtempsⁱ. « Du poétique à la théologie, en passant par la politique : ce livre reflète un itinéraire intérieur de découvertes progressives des problèmes de la Terre sainte. Il a surtout valeur de témoignage », confesse l’auteur d’entrée de jeu.

L’ouvrage est structuré en 5 parties qui permettent d’honorer la complexité du sujet.

Sous la section Terre, l’auteur partage de premières impressions sur le pays : la couleur, les senteurs, les paysages, des scènes de vie quotidienne ou l’atmosphère d’une Semaine sainte. Dès cette première partie, l’auteur ne cache pas la souffrance qui sourd dans le cœur de celui qui prend le temps de sentir les blessures qui sont à vif derrière la splendeur des apparences extérieures.

Plus conséquente, la section intitulée Hommes permet d’entrer dans les trajectoires humaines qui s’entrecroisent ici : rencontre avec un juif croyant qui s’est lancé dans l’entreprise de préparer la reconstruction du Temple détruit en 70 ; rencontre avec Marcel Dubois, un religieux catholique qui a passé sa vie à essayer d’entrer comme chrétien dans le Mystère d’Israëlⁱⁱ ; relecture du passage risqué de Benoit XVI en Terre sainteⁱⁱⁱ et de ses écrits sur foi et raison, bien utiles sur une terre où les passions se déchaînent au nom des religions.

La section 3 évoque une série de problèmes : la coexistence entre juifs et catholiques, la difficulté du dialogue théologique, la responsabilité des croyants pour faire advenir la paix.

La section 4 traite de la question essentielle du rapport au Livre et à l’Ecriture, fort différent selon les traditions juives et chrétiennes. Tant de confusions sont entretenues sur ces sujets que le regard sûr d’un théologien est ici bienvenu.

La 5^e section intitulée Dieu recentre la réflexion sur le personnage de Jésus et la manière dont il peut faire voler en éclats les mensonges des hommes faits en son nom.

L’ouvrage se termine par une magnifique citation du cardinal Journet^iv qui sonne comme une conclusion : « La tragédie d’Israël cherchant obstinément Jérusalem, c’est de réclamer pour ici-bas, non point la Jérusalem de l’esprit, la Jérusalem de la grâce et de l’amour qui fleurit dans la douleur ‘comme un lis dans les épines’ (Cantique, 2,2) mais une Jérusalem des images… qui n’est qu’un rêve brillant. (…) Tant que l’humanité reste sourde à l’appel de la révélation divine, tant que la trahison des peuples chrétiens, en masquant à Israël la signification profonde du message évangélique, continue de retarder sa conversion et de prolonger le désordre spirituel du monde, il faut que la tragédie d’Israël dure, que le sang d’Israël coule, – et aussi celui des autres peuples… La tragédie fermée de l’infidélité d’Israël s’égrène ici dans la tragédie majeure de l’infidélité du monde ».

On l’a compris, ce livre, à lire à petites lampées, aide à entrer dans le mystère d’un lieu et de peuples qu’un regard superficiel et léger ne saurait même entrevoir.

Jean Jacques Pérennès, op

Directeur

École biblique et archéologique française de Jérusalem