Titre

Une goutte d’eau et l’océan

Sous titre

Journal d’une quête de sens

Auteur

Thierry de Montbrial

Type

livre

Editeur

Albin Michel, 2015

Nombre de pages

360 p.

Prix

24 €

Date de publication

28 août 2015

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Une goutte d’eau et l’océan

Éviter d’ouvrir un livre avec des a priori sur l’auteur et faire plus attention au sous-titre qu’au titre lui-même : ces conseils de base que je me permets de donner au lecteur n’auront jamais été aussi pertinents qu’avec cette parution de Thierry de Montbrial.

L’auteur ? On sait qu’il est le fondateur de l’IFRI (Institut Français des Relations internationales). On pourrait donc s’attendre à un traité magistral de géopolitique du monde contemporain. Il n’en est rien… On sait aussi que, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, c’est un intellectuel formé aux sciences exactes, particulièrement aux mathématiques, qu’il s’intéresse à l’économie mondiale, et que, philosophe, les concepts de temps, de mémoire et donc l’Histoire imprègnent ses nombreuses publications. Alors ? « Une goutte d’eau et l’océan », serait-ce une nouvelle contribution élaborée, dans cette réflexion ? Ce n’est pas encore cela…

Thierry de Montbrial surprend et déroute. Il a choisi ici la forme d’un « journal », des notes éparses écrites au jour le jour entre 1977 et 2014. Trente-sept ans de rencontres, de lectures de livres ou de journaux, de conférences écoutées, de films vus au cinéma ou à la télévision, d’émissions de radio, de rendez-vous entre amis ou très officiels… La liste est aussi longue que diversifiée. À certaines dates, il écrit plusieurs pages sur ses fréquentations philosophiques : Platon, Pascal, Teilhard de Chardin, Lévinas. D’autres jours, une simple maxime de deux lignes. D’autres fois encore, un compte-rendu de ses rencontres avec des dirigeants politiques, des responsables économiques ou religieux, tels les papes Jean-Paul II et François.

Le tour de force, c’est que rien n’est banal. Chaque jour est l’occasion d’une réflexion sur la vie, l’amour, la mort, la ou les relations, l’art, l’histoire, l’Europe, Al-Qaïda, l’économie, la spiritualité. Ce qui n’est qu’évoqué, au début, revient quelques années plus tard sous une forme plus fouillée, plus approfondie. Et au fil des pages, se dessine le profil d’un homme prodigieusement intéressé par tout ce qui touche l’homme et son existence, d’un intellectuel avide de savoir, d’analyser et de comprendre, d’un spirituel aussi qui, de façon très pudique, ose dire sa foi catholique, même s’il se sent à l’étroit dans l’institution Église, et qu’il est attentif à toutes les spiritualités, juive d’abord, bouddhiste surtout.

Ce qui frappe en définitive, c’est que Thierry de Montbrial privilégie toujours le questionnement sur ce qui lui est essentiel : la quête de sens. Où tout cela nous mène-t-il ? Comment mieux vivre l’existence ? Comment mieux nous organiser, entre nous, entre les nations ?

Ce rationaliste scientifique est un non-conformiste qui n’hésite pas à faire appel à ce qui fonde l’existence d’autres cultures et d’autres croyances. La raison n’est pas le tout de l’homme. Et les contacts humains ne peuvent s’effectuer que sur des rapports approfondis dans la connaissance, le respect, la tolérance et l’empathie.

D’où cette géopolitique de la paix qu’il défend ardemment et qui ne pourra se jouer que dans la diversité acceptée, seule condition pour vivre ensemble dans la mondialisation.

Son « journal d’une quête de sens » (sous-titre) n’est donc ni un traité de géopolitique, ni une somme philosophique. Sans que cela soit évident à une première lecture, on est au plus profond de ce qui peut donner sens à une existence ou coexistence apaisée. C’est aussi le témoignage d’un homme qui invite à œuvrer, même petitement, pour faire grandir l’humanité, comme Mère Térésa à qui il emprunte son titre : « Nous pensons que ce que nous faisons n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais il manquerait quelque chose à l’océan sans cette goutte. »

Claude Popin