Titre

Une patrie portative

Sous titre

Le Talmud de Babylone comme diaspora

Auteur

Daniel Boyarin ; traduit par Marc et Cécile Rastoin

Type

livre

Editeur

Paris : Cerf, 2016

Nombre de pages

252 p.

Prix

24 €

Date de publication

26 novembre 2018

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Une patrie portative

Daniel Boyarin, professeur à Berkeley, juif orthodoxe, spécialiste du Talmud est mondialement connu pour sa pensée novatrice et volontiers subversive. Il a publié, entre autres, deux ouvrages fondamentaux sur les liens entre judaïsme et christianisme : La partition du judaïsme et du christianisme[1], en 2011 et Le Christ juif [2], en 2013.

Une Patrie portative : le Talmud de Babylone comme diaspora est un ouvrage exigeant qui a le mérite de réinterroger le terme de « diaspora[3] » en le débarrassant de son sens catastrophique, celui d’une nation perdue, pour le remplacer par une notion polycentrique dynamique, multiculturelle fonctionnant en système.

Dans un premier temps, après avoir réfuté le catastrophisme comme condition de la diaspora, Daniel Boyarin propose une nouvelle définition : il s’agit d’une identité collective liée par la solidarité entre ses membres au-delà des limites des frontières. Identité constituée par une langue, une religion et une culture commune. En même temps, le produit diasporique est une hybridation culturelle entre les différents pôles de la diaspora mais aussi par les cultures d’accueil.

Pour justifier cette définition, Daniel Boyarin, dans un premier temps, montre que l’élaboration des Talmud[4] palestinien et babylonien en fait des produits diasporiques typiques. En effet les écoles talmudiques palestiniennes ne peuvent pas plus se déclarer légitimes que les écoles babyloniennes. Si les unes et les autres défendent des points de vue divergents, la discussion est transfrontalière avec des maîtres qui voyagent des unes aux autres. Les textes en témoignent. De plus les cultures ambiantes exercent une profonde influence sur les positions des uns et des autres. En ce sens les Talmud sont des produits diasporiques.

Les centres qui ont élaborés ces Talmud subissent les hasards de l’histoire. Ainsi les écoles Babyloniennes céderont leur place aux écoles italiennes. Puis le centre de gravité se déplace à nouveau, vers le Maghreb, la péninsule ibérique et la région rhénane et bourguignonne. Mais, avec ses outils critiques et philosophiques, le Talmud reste et constitue « une patrie portative ». Les échanges influencent les différents pôles et participent à l’hybridation.

Mais le bassin d’accueil lui-même va influencer la pensée talmudique tout comme la pensée talmudique va influencer la culture du bassin d’accueil. C’est en ce sens que Daniel Boyarin parle de polysystème. Ces polysystèmes vont permettre une hybridation de la pensée, intégrant la philosophie grecque, la scolastique et la logique formelle. Cette hybridation passe par le langage qui fait interpénétrer les différentes langues : hébreu, araméen, grec, arabe ainsi que la formation de langues elles-mêmes hybrides : judéo-espagnol, judéo-arabe, yiddish…etc.

L’intérêt de la pensée de Daniel Boyarin est de faire éclater des catégories statiques en une gerbe mouvante de courants transculturels dont le centre fédérateur de la diaspora reste la référence talmudique avec son herméneutique rigoureuse. En ce sens la notion de diaspora à la fois comme lieu de culture commune et osmose avec une autre culture s’applique parfaitement au Talmud.

Daniel Ollivier[5]

 

[1] La partition du judaïsme et du christianisme.- Cerf, 2011.- (Patrimoines. Judaïsme)

[2] Cliquer sur la recension : Le Christ juif : A la recherche des origines

[3] Ou dispersion du peuple juif

[4] Pour en savoir plus sur le Talmud, cliquer ICI

[5] Daniel Ollivier est diplômé d’hébreu biblique ; collaborateur du Centre Chrétien pour l’Étude du Judaïsme (CCEJ) de la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Lyon ; et membre du Cercle de la Pensée Juive Libérale de Lyon. (CPJL).