Titre

Une théologie palestinienne de la libération

Sous titre

La Bible, la justice, et le conflit israélo-palestinien

Auteur

Naïm Stifan Ateek

Type

livre

Editeur

Paris : Riveneuve, 2019

Nombre de pages

221 p.

Prix

15 €

Date de publication

24 avril 2020

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Une théologie palestinienne de la libération

Cet ouvrage de Naïm Ateek vient compléter des publications précédentes1, notamment son premier livre sur la théologie de la libération publié dès 1989. L’auteur est un prêtre anglican palestinien, l’un des fondateurs de Sabeel, mouvement œcuménique de la théologie de la libération ancré en Palestine.

L’objet du présent ouvrage est de développer sa théologie de la libération au regard des écrits de la Bible, visant à contrer ainsi la lecture littérale de l’Ancien testament faite par les chrétiens évangéliques qui se révèlent être sionistes et soutiens de la politique de colonisation d’Israël au nom de la Bible2. Il vise aussi à maintenir de l’espoir dans une communauté chrétienne qui peut être frappée de désespoir par rapport à la politique oppressive qu’elle subit et être tentée de rejeter en bloc la religion.

Naïm Ateek met en avant cinq facteurs ayant affecté les Eglises chrétiennes en Palestine, par une sorte de fragmentation du Corps du Christ : les controverses théologiques des premiers siècles et leurs schismes ; l’irruption de l’islam ; les croisades ; l’arrivée des protestants ; l’arrivée des sionistes et la création d’Israël conduisant à la Nakba3.

Il s’agit en fait d’une triple Nakba, nous dit l’auteur, au niveau humain, de l’identité et de la foi. Les autres événements-clefs amenant à cette théologie de la libération sont l’Holocauste (et la culpabilité occidentale qui en découle), la guerre de 1967 avec la montée du sionisme religieux, la première Intifada4.

La théologie palestinienne de la libération provient de la confrontation entre la foi en la justice de Dieu et l’injustice et l’oppression subies par les Palestiniens dans le contexte actuel. Tout en insistant sur la divinité du Christ elle donne toute sa place à son humanité en développant une théologie christocentrique, clé herméneutique permettant de lire la Bible à la lumière des Evangiles. Ainsi les textes de l’Ancien Testament qui ne passent pas le test du message d’amour du Christ n’ont « aucune autorité » : ceux qu’on appelle les textes de Terreur, qui parlent de guerre, humiliation, nettoyage ethnique… au nom d’un Dieu vengeur.

En fait on trouve deux visions de Dieu selon les textes, qui correspondent à divers moments de l’histoire : celle d’un Dieu tribal ethnocentrique d’exclusion ou celle d’un Dieu d’inclusion qui s’adresse à tous les peuples et prône l’accueil de l’étranger.

Les textes les plus significatifs de cette opposition sont alors analysés par l’auteur avec cette clé herméneutique de l’amour, le Livre de Jonas étant considéré comme un sommet théologique, puisque Jonas est poussé par Dieu contre son gré à aller à Ninive délivrer un message pour ce peuple étranger et ennemi qui sera finalement sauvé : le peuple de Dieu inclut le monde entier.5

Sur ces bases, la notion de justice apparaît centrale à l’auteur, ce qui l’amène à dénoncer la situation actuelle imposée aux Palestiniens, en insistant d’ailleurs sur la référence au droit international.

L’ouvrage s’achève par une mention des actions de Sabeel – dont la participation à la déclaration Kairos établie en 20096 – et de son réseau d’associations amies dans divers pays, « Les Amis de Sabeel France » ayant démarré en 20107.

Cet ouvrage très clair et pédagogique éclaire bien les fondements de l’approche chrétienne en Palestine et introduit des questions lancinantes sur la lecture et l’interprétation de la Bible.

Tout en adhérant à l’option de l’auteur d’une lecture distanciée ou sélective de l’Ancien Testament, ceux qui sont intéressés par les réflexions théologiques approfondies risqueraient cependant de rester sur leur faim.

En particulier pour la lecture de l’Evangile : elle ne nous donne pas de mode d’emploi pour agir selon la justice mais nous invite à une démarche d’amour. Ainsi, une lecture littérale de certaines paraboles (cf. Le fils prodigue…8) peut heurter notre sens de la justice humaine. On peut penser que l’injustice faite aux Palestiniens demeure une question délicate à explorer d’un point de vue théologique…

Xavier Godard

Notes de la rédaction

1 Cf. Le cri d’un chrétien palestinien pour la réconciliation : pour une théologie palestinienne de la libération / Naïm Stifan Ateek ; avant-propos de Desmond Tutu.- Paris : L’Harmattan, 2013.- (Comprendre le Moyen-Orient).

2 Voir la contribution de Danielle Vergniol sur L’influence des mouvements évangéliques (dans les Actes de l’Université d’Hiver de CDM sur Jérusalem au cœur de la Méditerranée, 30/11-02/12/2018, p.18-36, parution novembre 2019)

3 La Nakba (« catastrophe » en arabe). Cf. La mémoire de la Nakba en Israël : le regard de la société israélienne sur la tragédie palestinienne / Thomas Vescovi.- Paris : L’Harmattan, 2015.- (Comprendre le Moyen-Orient). A propos de la Nakba, lire aussi l’article de L’Orient le Jour.

4 En 1987, se déclenche en Cisjordanie et à Gaza, un soulèvement populaire, appelé intifada contre l’administration et l’armée israéliennes.

5 Mais il n’est pas fait allusion à Hans Jonas et à son ouvrage de réflexion sur la théodicée : Le concept de Dieu après Auschwitz.- Rivages, 1994 [Note de Xavier Godard].

6 Il s’agit du document intitulé Un moment de vérité rendu public à Bethléem le 11 décembre 2009 par le Conseil Œcuménique des Églises. Il fut approuvé et soutenu par les responsables de toutes les Eglises de Palestine et d’Israël, et largement diffusé sous l’appellation de document Kairos-Palestine.

A lire : Du sionisme chrétien au document Kairos-Palestine. Actes du colloque, organisé par les Amis de Sabeel France en partenariat avec Chrétiens de la Méditerranée.

8 On peut lire la parabole du fils prodigue dans l’évangile de Luc ch. 15, 11-32

 

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