Un entretien avec Guillaume Ancel sur la chaîne Youtube de l’Iremmo (Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient).

Nous proposons le lien vers cette conférence de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, qui donne des éclairages inédits sur la situation à Gaza. Cela, en décryptant la communication israélienne, qui cherche à en monopoliser la vision, et n’en diffuse que des versions largement biaisées dans les médias d’Occident. Elle s’efforce encore d’en orchestrer le silence, lorsque cela lui semble préférable, aussi bien en Cisjordanie qu’à Gaza, lorsque les opinions s’inquiètent de massacres particulièrement criants.

Comprendre la guerre à Gaza : stratégies militaires et opinion publique

Mercredi 24 avril 2024 | 18h30-20h30

Guillaume Ancel est écrivain et ancien officier français. Il a publié plusieurs livres concernant des opérations militaires extérieures au Rwanda, au Cambodge et en Bosnie. Il quitte l’armée après 20 ans de service avec le grade de lieutenant-colonel. Il est l’auteur de plusieurs livres dont notamment Vent glacial sur Sarajevo (Les Belles Lettres, 2017), Rwanda, la fin du silence. Témoignage d’un officier français (Les Belles Lettres, 2018), Un casque bleu chez les Khmers rouges. Journal d’un soldat de la paix, Cambodge 1992 (Les Belles Lettres, 2021). Il vient de publier Saint-Cyr, à l’école de la Grande Muette (Flammarion, 2024).

Agnès Levallois, consultante spécialiste du Moyen-Orient et chargée de cours à Sciences Po Paris, vice-présidente de l’iReMMO. Elle a occupé les fonctions d’analyste Proche-Orient au Secrétariat général de la défense nationale puis responsable du bureau monde arabe et persan à la Délégation aux affaires stratégiques au ministère de la défense.

Autour de l’apport de Guillaume Ancel, s’ordonnent des informations éparses sur le drame de Gaza et s’ouvrent d’inévitables réflexions. Particulièrement significative est l’évaluation qu’il fait des pertes palestiniennes, à partir de son expérience des opérations militaires. Il situe le chiffre des victimes donné par le ministère de la santé de Gaza à partir de son mode de calcul : des listes de noms, communiqués par des proches. A partir de l’étendue des destructions et de la densité de la population, il estime au double les pertes réelles, en tenant compte des disparus et des morts toujours enfouis sous les décombres. Comment par ailleurs intégrer à cela les déclarations de l’armée israélienne annonçant “l’élimination” de dix à vingt mille “terroristes” ? Des témoignages indépendants existent aussi sur la déportation d’hommes de Gaza dans des camps situés à l’intérieur d’Israël. Leur nombre est inconnu, les mauvais traitements qu’ils subissent ont été documentés par une source israélienne, un médecin qui a tenu à servir de lanceur d’alerte. Combien donc de victimes en plus ?

Un autre apport original de Guillaume Ancel éclaire la question toujours brûlante des “boucliers humains” et de l’instrumentalisation inhumaine de la population de Gaza par les partis islamistes au pouvoir, aux seules fins de perpétuer leur pouvoir. Son expérience militaire lui fait décrire les traits d’un conflit asymétrique, d’une guérilla où la distinction n’existe pas entre civils et combattants armés. Les combattants palestiniens n’ont pas d’uniformes, et, Guillaume Ancel insiste là-dessus à propos des otages, n’ont même pas de commandement centralisé, d’autant moins que tous les moyens de communication sont systématiquement détruits par les forces israéliennes. Ainsi personne ne sait vraiment où sont les otages israéliens, combien sont vivants et combien ont perdu la vie. Et Israël s’estime dans son bon droit en s’efforçant de minimiser ses pertes, au prix d’un nombre aussi élevé que nécessaire de victimes non combattantes, dans une proportion souvent de un à cent. Pourtant la mainmise militaire israélienne sur le terrain reste fragile, avec des contre-attaques palestiniennes dans des zones que l’armée croyait “sécurisées”. Les tunnels de Gaza gardent leur importance et Israël ne semble pas avoir les moyens de les détruire tous ou d’en prendre possession. Que signifie alors l’objectif affiché de la “destruction du Hamas” ?

Troisième apport, quoiqu’en disent les autorités israéliennes pour répondre aux demandes instantes des Etats-Unis de “préserver les vies palestiniennes innocentes”, on comprend que c’est bien une réduction importante de la population de Gaza que vise la stratégie israélienne. La famine en fait partie. Nul ne peut distinguer si une personne de Gaza meurt d’un grippe banale ou d’un affaiblissement continu dû à la sous-alimentation, aux mauvaises conditions sanitaires, à la dégradation de la qualité de l’eau. Les alertes à la famine des ONG et jusqu’à celle du Secrétaire général de l’ONU sont donc justifiées. Dans les faits se lit une autre justification, celle du côté israélien. Un enfant de Gaza est un ennemi d’Israël en puissance, pour assurer une sécurité durable il convient qu’il en reste sur place le moins possible. D’où la vraisemblance de la mise en œuvre plus ou moins ouverte des plans de transfert de population, présentés souvent comme temporaires en raison des destructions sur place, pour permettre une certaine reconstruction. Les autorités israéliennes disent qu’elles se refusent à envisager de tels projets, dont celui publié par le ministre d’extrême droite B. Smotritch, mais c’est essentiellement pour répondre à la demande des Etats-Unis de ne procéder à aucun transfert, qui serait contraire au droit international. Reste pourtant ouverte la possibilité de départs “volontaires”. Une revue de Jérusalem, Terre sainte magazine, évalue déjà à environ 110 000 le nombre d’habitants de Gaza qui ont acheté un laisser-passer pour l’Egypte, d’accord avec les autorités israéliennes comme égyptiennes. On voit ainsi Gaza commencer à se vider. Des réfugiés sans espoir de retour. Comment les Etats-Unis pourraient-ils s’opposer à de tels départs ? Voir l’analyse qu’en faisaient déjà le président et la vice-présidente de l’IReMMO en février 2024 :

Ecraser Rafah constitue l’ultime étape de cette stratégie de liquidation afin que les Gazaouis quittent en masse leur territoire.

Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient
7 rue des Carmes
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